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Zighcult
16 juillet 2005

Les prénoms arabes

Le système classique d'identification des personnes comprenait plusieurs éléments :

• une kunya, souvent composée de abû (pour les hommes) ou de umm (pour les femme) suivi d'un "ism", celui du fils aîné, ou, à défaut, mais c'est rarissime, de la fille aînée ;

• un ism, qui est le prénom par excellence ;

• un nasab, référence généalogique, composée de ibn (pour les hommes) ou de bint (pour les femmes), suivi du "ism" du père ou d'un ancêtre ;

• une nisba, rappelant une origine : tribale, géographique, professionnelle... ; c'est un adjectif de relation (terminaison en î ou iyya).

Un surnom (laqab) pouvait venir s'y ajouter. Il s'agit en général d'un deuxième adjectif attribuant une qualité particulière au personnage.

Ce système qui ne concernait en réalité que les personnages bénéficiant d'une certaine renommée, même modeste, n'est plus en usage aujourd'hui. Cependant il nous explique l'origine de quantité de prénoms. En effet, de très nombreux kunya-s, nasab-s, nisba-s ou laqab-s sont devenus des prénoms courants aujourd'hui.

Actuellement dans le monde arabe, on trouve essentiellement deux usages :

1. on identifie une personne par une suite de trois prénoms : le sien, suivi de celui de son père, puis celui du grand-père paternel ;

2. on se contente de deux termes : le prénom et le laqab (en guise de nom de famille).

Dans ce dossier nous nous limitons aux ism-s (prénoms) pour une première idée de leur usage actuel, de leur sens, de leurs particularités, origine, évolution...

Le sens inévitable

Ce qui est commun aux prénoms arabes c'est la présence d'un sens. Celui-ci peut être immédiat, quand il s'agit d'un vocable courant, tel un adjectif, un participe, un nom verbal, un substantif désignant une fleur, un animal, un objet, voire même un lieu géographique... Il peut aussi être très vague, rappelant une racine connue mais avec une forme peu commune. Espérons qu'à la lecture de la totalité de ce dossier les choses seront plus claires !

Vous avez dit "arabe" ?

L'usage si répandu d'un certain nombre de noms bibliques, mais aussi iraniens, turcs, et, de nos jours, européens..., fait oublier qu'il ne s'agit pas de prénoms arabes. Inutile donc d'y associer un sens perceptible par les Arabes.

Pourquoi faire simple ?

La majorité des prénoms se limitent à un mot, tel que Jamîl (Beau), Sâbir (Patient), Nûr (Lumière)... Mais, à l'instar des Français, les Arabes aiment parfois faire compliqué. Les prénoms composés sont dès lors légion : les 99 attributs connus de Dieu, par exemple, précédés du terme Abd permettent aux plus croyants de faire le "bon choix". Les 40 attributs du Prophète aussi, précédés de Son prénom (Muhammad), augmente encore cette liste de noms vénérables. D'autres artifices permettent d'enrichir davantage cette liste que nous découvrirons plus loin.

Interdits !

Contrairement à la situation passée en France, aucune loi ne restreint le choix des prénoms. Mais il n'est pas question de franchir quelques limites. Personne ne pourra s'appeler Allah (Dieu), ou Nabiy (Prophète), ou encore Chaytân (Satan), voire même Jahîm (Enfer) ! D'autres frontières sont difficiles à franchir : les prénoms rappelant clairement une appartenance religieuse sont peu "exportables" d'une communauté à l'autre. On ne trouvera pas un musulman se prénommant Mîkhâ'îl (Michel), ou Hisqayl (Eschéel), pas

plus un chrétien s'appelant Muhammad ou Alî. Les noms bibliques, très prisés par ailleurs, ont aussi quelques "rejetons". Là où les Français n'hésitent pas à appeler leur fils Abel (Hâbîl), les Arabes y voient une mauvaise augure. De même Qâbîl (Caïn) rappelle par trop une action maléfique. Cela dit, il arrive que, par superstition, certains parents, accablés par la mort de plusieurs nouveaux-nés, "enlevés" par l'Ange de la mort (Izrâ'îl), choisissent un "prénom" assez repoussant pour dégoûter même l'ange impitoyable. Naturellement, une fois le danger passé, cette marque infâme, souvent sujet de plaisanterie, est effacée au profit d'un joli prénom. Il n'est pas exclu toutefois qu'à la place d'un sentiment de honte, surgisse une croyance ferme en une baraka certaine et durable. Un célèbre vendeur de boissons rafraîchissantes de Bagdad, qui affichait avec fierté son prénom au-dessus de sa vitrine, s'appelait Zibâla (Hâjj "Ordure") !

La transmission d'un prénom

Une règle générale, de moins en moins respectée de nos jours, veut que le fils aîné porte le prénom de son grand-père paternel. De même la fille aînée portera le prénom de sa grand-mère, toujours paternelle. En revanche, père et fils, ou mère et fille, partagent rarement le même prénom. Cela existe cependant, notamment en Egypte. Rappelons le cas de l'ancien secrétaire général de l'ONU : Boutrous Boutrous Ghali .

Un prénom qui en appelle un autre

Le poids de certains personnages historiques ou religieux créé une attente précise. Pour un Muhammad (à l'instar du Prophète) on prévoit un fils aîné se prénommant Qâssim (ou al-Qâsim ou encore Jâsim), pour un Ali, un fils s'appelant Hassan ou Hussayn, pour un Ibrâhîm un Ismâ'îl, etc. Il est même d'usage d'attribuer un surnom à chaque homme, si son prénom s'y prête, pour préfigurer son futur mariage et la naissance de son "fils aîné". Un Yâssir sera surnommé Abû 'Ammâr, un Walîd aura le surnom de Abû Khâlid, etc.

Rien n'est trop beau pour le nouveau-né !

Mais il n'est pas question de se plier à cette pression si l'envie est là

pour marquer l'heureuse naissance d'un "vrai" prénom. La langue arabe

apporte alors son concours. Du singulier on passe au duel ou à une forme intensive qui rappelle par sa sonorité le duel. On appelle le petit Sa'dân, ou Zaydân ou Muhammadayn,

Entre masculin et féminin

Malheureusement, la langue tend parfois des pièges. Certains prénoms

hésitent à se choisir un sexe. La question est plus complexe que chez les Français. Pour ces derniers l'écrit écarte en effet la confusion (mis à part dans le cas de Dominique, Claude, Camille...). Mais en arabe, l'orthographe est commune. Pis encore, ces prénoms peuvent changer de sexe en passant d'un pays à un autre. Citons entre autres exemples : Sabâh (Matin), Rajâ' (Espérance), Ihsân (Bienfaisance)... Le jeu de cache-cache entre masculin et féminin ne se limite pas à ces prénoms communs. De nombreux prénoms portant la marque finale du féminin (-iyya) sont parfaitement masculins. Et cela depuis des siècles. Parmi les contemporains du Prophète (VI-VIIème s.) il y avait de nombreux guerriers fiers de s'appeler Ussâma, Rubay'a, Talha, Mu'âwiya, 'Ubayda... Aujourd'hui des dizaines de prénoms semblables sont couramment choisis, en Egypte notamment. Ajoutons que certains noms composés masculins qui perdent un élément peuvent devenir féminins. C'est le cas, par exemple, de Nûr (issu de Nûr al-Dîn), de Rajâ' (issu de Rajâ' al-Dîn)...

La métamorphose des prénoms

Il est risqué d'affirmer qu'une filiation existe forcément entre tel et tel

prénoms. Ce qui suit n'est donc qu'une hypothèse. On pourrait suggérer que Hamîd nous donne le féminin Hamîda. et le masculin, version diminutif, Humayd, qui, par imitation de modèles anciens et puissants (Hudhayfa, par exemple), devient Humayda, toujours masculin. De même le modèle fondamental Abd Allâh engendre 'Atâ' Allâh (masc.), qui se rétrécie en 'Atâ ; celui-ci ne peut avoir pour féminin 'Atâ'a (absence de modèle) ; alors, on obtient le féminin 'Atiyya, malgré l'inexistence de 'Atî.

L'ambiguïté du sens

Une autre forme d'hésitation caractérise certains prénoms, sans doute

"transits", qui reviennent après un "séjour" prolongé auprès des Turcs et des Iraniens. Un Arabe dira sans réfléchir que Ra'ûf, prénom masculin, signifie "Clément", mais risque de peiner à expliquer la forme de Ra'fat, toujours prénom masculin ! Mais, vaguement, il ressentira la présence de la racine (R'F) qui évoque la compassion, la clémence. On pourrait dire la même chose des prénoms ayant la terminaison î, tels Sa'dî, Hussnî, Fikrî, Hamdî, wajdî, etc. Le î final résonne comme un possessif (1ère personne) mais il peut être perçu comme une marque d'adjectif. Dans un cas comme dans l'autre il s'agit d'un élément troublant, empêchant le sens d'être immédiat.

Comment faire moderne ?

Appeler aujourd'hui sa fille Khadîja ou son fils Abdulhaq, n'est pas du goût de tout le monde. Dans les villes modernes où la vie à l'occidentale l'emporte sur les traditions, on a plutôt tendance à puiser dans les prénoms étrangers "importables" (Hélène, Suzanne, Vénus, Eveline), ou qui, aussi arabes qu'ils soient, ont quelque chose de "moderne"

(May, Suhâ, Mahâ, Nadâ, Rayyâ...).

Inventer un nouveau prénom

La liberté est presque totale en matière de prénoms. En dehors du bon sens, rien n'interdit d'appeler sa fille Kâritha (Catastrophe) ou son fils Zalzâl

(Séisme) ! Mais il arrive aux parents "sensés" d'oser quelques prénoms

"lourds" tels que Intisâr (Victoire), Istiqlâl (Indépendance), Nidâl

(Lutte), Intifâda (Soulèvement)... Par pitié pour les futurs nouveaux-nés nous renonçons à donner d'autres exemples sur ce registre. Rappelons simplement que les noms des fleurs passent toujours bien et que tout n'est pas déjà utilisé.

"Dis-moi ton prénom, je te dis d'où tu viens !"

Disons le tout de suite : ce titre est purement démagogique. Naturellement, l'idéal ici serait de parvenir à établir des critères d'identification permettant, à partir d'un prénom, de situer dans le temps et dans l'espace (géographique et social), avec une marge d'erreur réduite, le personnage concerné. Mais il est probablement impossible d'y parvenir, même dans le cadre d'une recherche de longue haleine. Nous allons donc nous contenter de quelques éléments épars mais significatifs :

- La contraction de l'article défini Al- en L- est typiquement

maghrébine. On ne trouvera jamais un Oriental se prénommant Larbi ou Lamîn ou Lahssîn ou encore Lakhal ...

- Une autre contraction est maghrébine : Abû -> Bû ou Ba. Ainsi, Bû'alam (Boualam) ou Balqâssim (Belkacem) ne peuvent en aucun cas être originaires du Proche-Orient.

- A l'inverse on ne rencontrera pas en principe de Abd Alî ou de

Abd Hussayn (prénoms chiites) dans les pays du Maghreb.

- Dans les familles traditionnelles musulmanes on peut rencontrer de petits

Abdulkarîm, Abdulqâdir, Abduljabbâr... Cela est beaucoup moins probable dans les quartiers "modernes" où le modèle occidental est obsédant.

- Dans les familles musulmanes il est inutile de chercher un Mîkhâ'îl ou un Butrus ...

- Si on se trouve en présence d'un Butrus et d'un Pierre, on pourrait sans

grand risque d'erreur penser que le deuxième est libanais, le premier étant soit syrien soit égyptien.

- Des Abdulrasûl (Serviteur du Messager) ou Abdulnabî (Serviteur du prophète) ne peuvent être saoudiens. L'Arabie Saoudite interdit en effet l'extension de la composition Abdul- aux noms autres que les attributs de Dieu.

- Pour des raisons historiques, certains prénoms sont bannis chez les chiites (Irak, Liban, Golfe) : Omar, Uthmân, Abû Bakr, Mu'âwiya, Yazîd, 'A'icha...

- Quelques prénoms sont plutôt caractéristiques d'un pays précis. En voici quelques uns à titre d'exemples : Khalîfa (pays du Golfe, mais aussi

Tunisie), Muhammadayn (Egypte), Abdulqâdir (mieux diffusé au Maghreb), Muwaffaq (Irak), Jâssim (Irak et Golfe)...

Ghalib Al-Hakkak


Source: http://selva.univ-paris1.fr/3prenomsarabes.htm

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