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Zighcult
30 septembre 2005

Femmes écrivain (1)

Source: http://dzlit.free.fr/


Thérèse André-Abdelaziz

Des Femmes dans la guerre d'Algérie
(Entretiens) - Karthala, Paris ISBN 2-86537-510-2, 1994

Présentation
      Intellectuelles et analphabètes, citadines et villageoises, des combattantes Algériennes parlent de la guerre d’indépendance. La plupart d’entre elles racontent pour la première fois cette expérience qui fut pourtant un moment fort de leur vie. Préface de Michèle Perrot.

      Trente entretiens avec des femmes algériennes ou d'origine européenne (p. 180-199), ayant participé à la guerre d'indépendance de l'Algérie à des titres divers: pionnières du militantisme, maquisardes, soutien des maquis, combattantes (guérilla urbaine), etc. Des témoignages qui viennent compléter Les femmes algériennes dans la guerre


      Thérèse André-Abdelaziz, a nomadisé de Guérande à Saint-Nazaire et Annemasse. Elle vit actuellement à Nantes. Autodidacte, elle est l'auteur de Quelque part une île en 1980 aux éditions du Cerf, de contes, nouvelles, poèmes, pièces radiophoniques et pièces de théâtre dont La Voix Blanche.
      En février 2002, elle obtient une bourse d'encouragement à l'écriture dramatique décernée par la DMDTS (Direction Musique, Danse, Théâtre, Spectacle), puis une résidence d'écriture au CNES (Centre national des écritures du spectacle) à La Chartreuse d'Avignon en 2003.
      Elle est co-auteur d'une pièce jeune public intitulée Rendez-vous à la Maison bleue. Celle-ci est jouée dans toute la France.


Je, femme d'immigré
Témoignage - Éditions La Part Commune, Rennes ISBN : 2-8441-8056-6, 2004

Présentation
      En 1987, Thérèse Abdelaziz publiait Je, femme d'immigré, un livre-témoignage où elle raconte l'amour choisi et vécu avec Abderrahmane, leur mariage, les incompréhensions de toute une partie de l'entourage, les préjugés racistes qu'il a fallu assumer.
      Quinze ans plus tard, alors que sa vie a changé, alors que son couple n'est plus ce qu'il était, elle décide de rééditer cet ouvrage, ajoutant quelques pages " d'actualisation ". Parce qu'elle ressent toujours le même besoin de témoigner. Parce qu'elle croit toujours, malgré les vicissitudes de l'existence, à la force de l'amour. Parce qu'elle veut continuer à entretenir la flamme de la fraternité humaine au milieu des tempêtes racistes et ou intégristes.
      Thérèse Abdelaziz, avec son mari et leurs enfants a fait partie, d'une certaine manière, d'une génération de " pionniers ". Son expérience d'abord (échecs compris), sa foi dans l'avenir ensuite sont à accueillir comme des lumières sur notre route.
Message de l'auteur
      Eté 1958. Je suis française, il est algérien. Nous nous rencontrons à Saint-Nazaire en pleine guerre d'Algérie. Nous ne nous quittons plus. Je deviens « la fatma, la moukère » et le resterai longtemps.
      Mariage. Emploi. Chômage. Ouest, Centre et Sud-Est. Quatre enfants naissent au gré des déplacements. Enfants des quatre-saisons aux prénoms de soleil. Famille nomade dans une France gangrenée par le racisme au quotidien. Bougnoules, bicots. Des mots ? Non, plus que cela.
      Quand ils atteignent les enfants, ma colère éclate au grand jour. Je mets cinq ans pour expulser les mots, les miens. Je, femme d'immigré paraît en octobre 1987. 2003/2004. Révélations tardives, procès. Le peuple français prend conscience de l'existence de la torture en Algérie et fait son mea culpa. Flambées xénophobe et raciste. Nord-africains dans les années 1960, Arabes ou Beurs ensuite, les Algériens deviennent « musulmans » d'un seul coup ! Alors que mon couple n'est plus ce qu'il était il y a quinze ans, je décide de rééditer ce livre pour témoigner de nouveau car tout ce qui atteint l'Algérie et les Algériens m'atteint.
      Désormais je signe de mes deux noms, je revendique mes deux appartenances. Remaillage d'une mémoire libératrice que je lègue à mes quatre petits-enfants. Livre pluriel et passerelle entre hier et aujourd'hui, demain et. après-demain.

Thérèse ANDRE-ABDELAZIZ


Leïla Aslaoui

“Les Jumeaux de la nuit” de Leïla Aslaoui (*)
Liberté 20 mars 2002
Chronique d’une haine légitime
     La plupart des personnages de cette intrigue tragique pourraient, avec des personnes vivantes ou ayant existé, présenter des similitudes qui ne relèveraient pas de “la pure coïncidence”.

    C'est brasser du truisme que de répéter à quel point durant les périodes de crise - à l'échelle individuelle ou collective - la fiction peut être dépassée par la réalité. Et en fait de période de crise, celle qui n'en finit pas d'endeuiller l'Algérie est sans doute aujourd'hui l'exemple le plus tragiquement significatif.
    Ceci pour dire à quel point le dernier livre de Leïla Aslaoui, classé dans la catégorie “roman” et effectivement structuré comme tel, fait songer davantage à une chronique dûment dramatisée qu'à une œuvre de fiction romanesque. Pour qui a lu Les Années rouges, ce bouleversant témoignage d'une Algérienne brisée par la montée de la violence intégriste, Les Jumeaux de la nuit se donnera à parcourir, non comme un roman mais comme une autre façon de dire avec insistance que les notions d'oubli, de pardon, de réconciliation et autres vocables semés dans le discours politique peuvent constituer autant d'injures graves à ceux parmi les Algériens dont la chair et l'âme ont subi d'incurables blessures.
    Il serait erroné de prétendre que le roman relate une histoire réelle ou pourrait passer pour une sorte de transposition du drame vécu par l'auteur. Pourtant, la plupart des personnages, fortement mis en relief dans cette intrigue tragique, pourraient, avec des personnes vivantes ou ayant existé, présenter des similitudes qui ne relèveraient pas de “la pure coïncidence”.
    Décor : Alger durant les années de paroxysme islamiste.
    Au centre de l'intrigue, la famille Choukar. L'héroïne, Soukeïna, est enseignante dans un Iycée de la capitale. Mère de deux enfants, elle est veuve, son époux, Hassan, commissaire de police, ayant été abattu par son propre frère jumeau, Hocine, un brillant universitaire gagné à la cause intégriste. Et Soukeïna, qui a subi ce déchirement, refuse avec la dernière énergie d'entretenir avec sa belle-sœur, la veuve de l’assassin de son mari, la moindre relation. Elle n’acceptera même pas que ses deux enfants rencontrent leurs cousins. Pas même lorsque Amel, la fille de Hocine, sera déchiquetée par la bombe du boulevard Amirouche.
    L'attitude de Soukeïna, faite de la vénération qu'elle nourrit pour la mémoire de Hassan, se caractérise également par le rejet violent de tout ce qui s'apparente de près ou de loin à l'islamisme politique. Voyant chaque jour celui-ci faire autour d'elle des coupes claires, elle participe à toutes les actions de dénonciation de l'intégrisme et il n'est pas une marche, une manifestation, un mouvement de solidarité à l'égard des victimes des attentats auxquels où elle ne se retrouve aux premiers rangs, n'ignorant pas qu'elle risque sa vie.
    Mais dans son intransigeance, elle se laissera aller à un comportement injuste à l'égard de Salima, sa belle-sœur, dont elle écoutera sans émotion le récit déchirant et refusera toute circonstance atténuante. Car Salima a vécu l'enfer dans les maquis islamistes où son mari l'avait contrainte à le suivre et où, après la mort de celui-ci au cours d'une action des forces de l'ordre, elle a dû se plier à toutes les humiliations.
    Le personnage de Soukeïna, autour duquel gravite la totalité de l'intrigue, est d'une dureté qui n'appelle aucune réserve sur le plan de la vraisemblance psychologique, quant aux ingrédients du récit, le moins qu’on puisse en dire est que l'auteur les a puisés soigneusement dans l'actualité.
    On aura plus d'une fois relevé dans la presse algérienne, parmi les drames qui s'abattent sur les familles partout à travers le pays, des situations qu’un écrivain imaginatif aurait hésité à inventer : le fils abattant son père parce qu'il le juge impie, le mari livrant son épouse aux appétits d'un émir, le frère égorgeant sa sœur parce qu'elle refuse de porter le voile, etc.
    Lorsqu'on plonge dans cette histoire poignante, on mesure toute l'étendue du drame dont on ne finit pas d'espérer qu'il en est à son dernier acte.
    Et Les Jumeaux de la nuit dans une mise en scène qui maintient l'intérêt du lecteur jusqu'à l'ultime rebondissement, donnant vie à des personnages d'une vérité bouleversante, parcouru par une réflexion mûre sur les certitudes rétrogrades, est, plus qu'une œuvre littéraire puissante, un réquisitoire douloureux contre une idéologie au nom de laquelle tant de malheurs se sont abattus sur les familles algériennes.

M. A.

(*) Les Jumeaux de la nuit, de Leïla Aslaoui - Roman - Casbah-Éditions - Alger 2002 - 270 pages.

L'Expression 7 avril 2002
Ecriture de la douleur
     Leïla Aslaoui revient à la charge en changeant son fusil d’épaule. Le message est le même, l’auteur raconte la bête et refuse de pardonner. Après trois ouvrages juridiques publiés en 1984 et Les années rouges (2000), un livre qui tient plus du témoignage que du récit, Les jumeaux de la nuit se veut une nouvelle approche pour une femme qui n’a pas fini de dire son malheur. Présente à la librairie Ibn Khaldoun pour dédicacer son ouvrage, Leïla Aslaoui, noyée au milieu des journalistes, parlera de l’héroïne Soukaïna et de la déchirure qui la marquera au fil du récit. Tiré d’un fait réel, Les jumeaux de la nuit, paru chez Casbah éditions en mars dernier, est un traitement hautement symbolisé et romancé du terrorisme. Les jumeaux de la nuit sont deux frères ennemis que la légende a immortalisés. Entre le cadre de la sécurité, son mari, et le fanatique islamiste, son beau-frère, Soukaïna, professeur de langue française, observe sa vie aigrie par les conflits et la haine.
    Son mari est assassiné ; Soukaïna refuse de pardonner, mais est confronté à Amine, un homme qui se veut modéré et qui prône une vision des choses que l’auteur lui-même n’apprécie pas. «Je n’aime pas le personnage de Amine, dira Aslaoui, mais il représente une voix toujours présente et que je devais rapporter par un souci d’authenticité.»
    L’héroïne est professeur de français. C’est aussi un hommage que voudrait rendre l’auteur aux femmes qui lui ressemblent et qui ont été persécutées. Soukaïna est aussi le nom de la fille de l’immam Ali, une femme connue pour sa beauté et son intelligence, mais aussi pour sa force de caractère. «Non, pour moi l’écriture n’est pas une thérapie dira Aslaoui, elle ne l’est pas parce que j’évoque des événements douloureux.»

Aziz YEMLOUL


Ce ne sont que des hommes
Liberté 15 mars 2003
Le spécial 8 mars de Casbah édition
Par Djamel Belayachi

Une palette d’ouvrages féminins a été présentée mercredi dernier par les éditions Casbah au palais de la culture Moufdi-Zakaria. Le lot contient une dizaine de titres, dont une nouvelle parution Ce ne sont que des hommes (roman, Casbah Éditions) de Mme Leïla Aslaoui, auteur de Les années rouges (essai, éditions Casbah) et les jumeaux de la nuit (roman, Casbah éditions). La rencontre a profité de la présence des femmes-auteurs, porte-voix de la cause émancipatrice de la femme en Algérie. Elles multiplient sourires et dédicaces et témoignent de leur plaisir d’être “là à ce 8 Mars décalé”.
Souâd Khodja, auteur de Nous les algériennes, la grande solitude, préfacé par Boualem Sensal, tient d’abord à rendre hommage à son lectorat : “On écrit en pensant à vous. C’est une grande joie et un grand plaisir de vous savoir avec nous dans ce long périple… de la solitude de la femme.”  Lucie Prévost qui a réalisé Femmes d’Algérie, société, famille et citoyenneté, autre essai sur la condition féminine, plaide pour l’abrogation du code de la famille et réitère son “désir de participer à la lutte de la femme d’Algérie”, qui a du mal à redorer son statut de “femme à part entière dans sa société ; je souhaite que le code de la famille soit transformé ou aboli”, martèle-t-elle. Leïla Aslaoui, elle aussi, ne contient pas sa joie “même si ce que j’écris n’est pas bon… ça nous permet de nous rencontrer”.
Corine Chevallier, auteur du roman pittoresque la petite fille du Tassili, tient, quant à elle, à remercier Casbah Éditions et Mme Chentouf, directrice du palais de la culture, pour l’initiative et pour l’accueil. Liliane Raspail, également romancière, auteur de la Chaouia d’Auvergne, et Fadhila Choutri, coordinatrice de l’ouvrage collectif Violence, trauma et mémoire, abondent dans le même sens tout en nous souhaitant “bonne lecture !”. Après ce rapide tour de table, les hôtesses du palais ont repris leurs plumes pour une entraînante séance-dédicace. Un exercice de style !

D. B.


Fatima Bakhaï

La Femme du caïd
Roman - Éditions Dar El-Gharb, Oran, 2005

Le Jeune Indépendant 10 mars 2005
Saveur du vécu
par B.R
      La Femme du caïd est le titre d’un ouvrage de Fatéma Bakhaï qui vient de paraître aux éditions Dar El-Gharb. Dans ce livre de 248 pages, l’auteur relate dans un style romanesque la situation de la femme algérienne au siècle dernier.
      C’est à travers l’histoire de la mère de Talia que l’auteur met en exergue l’endurance de la femme. «Elle avait envie de crier, d’insulter, de se jeter contre cet homme qu’elle haïssait, de lui faire mal, d’éteindre dans ses yeux cet air d’indifférence et de mépris mêlés, de briser toute cette arrogance de mâle frustré par la naissance successive de trois filles».
      Une réalité qui faisait souffrir la femme algérienne, et certaines étaient même divorcées pour un sort dont elles n’étaient pas responsables. Ecrit dans un style fluide, l’auteur situe l’action de cette histoire puisée dans la réalité de la campagne.
      Fatéma Bakhaï, qui s’est inspirée aussi de l’histoire de l’Algérie, nous plonge dans la période coloniale lointaine où se côtoyaient musulmans, chrétiens et juifs, mais les Algériens autochtones étaient marginalisés. «Après tant de luttes, tant de combats, les vaincus, épuisés, dispersés, humiliés, survivaient, hébétés de misère et de désespérance».
      A travers cette trame, Fatéma Bakhaï met l’accent sur l’instruction qui est le moteur pour l’émancipation de la femme, mais à cette époque, l’éducation de la femme était mal vue par la société. «Parce que l’école avait changé sa vie, il semblait à Talia que le monde entier avait changé.
      Les autres posaient sur elle un autre regard. Envieux, méprisant, agressif ou amical…». Mais puisqu’il s’agissait aussi du caïd, cet homme qui faisait la pluie et le beau temps simplement parce qu’il avait choisi le camp de l’envahisseur… «Le caïd, dans sa dernière maladie, avait pris le soin de mettre Talia à l’abri du besoin.
      Il savait que ses fils n’étaient pas hommes de la terre…». La Femme du caïd est aussi une page de mémoire qui peut rafraîchir la mémoire, une histoire qui relate certains faits de société qui se sont déroulés entre 1900 et 1954. Fatéma Bakhaï a publié plusieurs ouvrages, dont La Scaléa, Dounia, un oued pour la mémoire et des contes comme Histoire de la petite fleur bleue, les Contes de ma sœur Nadra, Histoire de la nature, et des essais tels que Oran et ses Hommes, Raconte-moi Oran et Oran face à la mémoire.
      La Femme du caïd est en quelque sorte un tableau sur la vie des gens modestes d’Oran où on retrouve la saveur du vécu justement restituée.

B. R.
Dounia
(Roman) - L'Harmattan, Paris ISBN 2-7384-3436-3, 1996
Commentaire
      "Oran 1829 - 1833 La vie est douce pour la jeune Dounia jusqu'à ce jour d'été 1830 où la terrible nouvelle parvient aux Oranais incrédules : les Français occupent Alger.
      Alors, tout bascule, tout s'effondre. Dounia, sa famille, son peuple sont pris dans la tourmente... L'occupation, telle que vécue par ceux et celles qui l'ont subie : un autre regard.
      Et puis, la naissance d'une légende, celle de Dounia qui s'inscrit dans la lignée de toutes ces femmes, glorieuses ou anonymes, qui depuis les temps les plus reculés ont toujours su, dans ce pays, s'élever et lutter lorsque le danger était là..."
La Scaléra
(Roman) - L'Harmattan, Paris ISBN 2-7384-1614-4, 1993
Commentaire
      "Les ennemis - dit l'héroïne - c'étaient les autres, ceux que je ne connaissais pas.
      Ca ne pouvait pas être Madame Lopez... ni Maryse... ni même Santa-Cruz".
      Et à la veille du grand départ en 1962, Rosy pleure : "nous, on n'a jamais voulu tout ça, on voulait vivre tranquille, c'est tout, pourquoi nous ont-ils fait ça !"
      On a trop tendance à s'imaginer qu'avant 1962, l'Algérie c'était, d'une part, les riches colons, d'autre part les algériens, les seconds à la merci des premiers.
      C'est vrai bien sûr, mais l'Algérie avant 1962, c'était aussi, dans les villes, un peuple où Algériens et Européens de petite condition vivaient ensemble, sinon en harmonie, du moins en bonne entente.
      On ne se détestait pas, on était souvent amis. "La Scalera" se veut l'évocation d'une période à jamais révolue, d'une ambiance particulière.
      C'est à travers l'histoire d'une jeune Algérienne issue d'un milieu très modeste, la perception et le déroulement des événements qui ont conduit à l'indépendance.

*La Scalera est une place de l'ancien quartier espagnol de Sidi El Houari à Oran. Il est trés connu de tous les Oranais d'un certain âge.



Le Matin 16 février 2003
La Scalera de Fatima Bakhaï
Mimouna ou une vie discrète
      La littérature algérienne a consacré à la condition féminine des pages attachantes qui ont marqué des générations entières de femmes. Quelques titres émergent du lot et deviennent incontournables.
      Ainsi L'Histoire de ma vie et La Rue des tambourins des mère et fille Amrouche sont devenus, par la force des choses, des repères sur lesquels des oeuvres contemporaines se sont appuyées pour exister et se construire un destin littéraire heureux dont le plus significatif reste Ces Voix qui m'assiègent de Assia Djebar. Dans ces trois romans, les personnages féminins ont acquis grâce à l'instruction une prise de conscience qui semble atypique. Le personnage, malgré les pesanteurs d'un ordre établi immuable, essaye de comprendre sa condition en se réfugiant dans une intériorité qui dissèque les mécanismes de ce joug pérenne. Cette compréhension teintée d'intellectualisme, on ne la trouve pas chez Mimouna l'héroïne de la Scalera, le roman de Fatima Bakhaï. Mimouna est une femme qui, sur son lit d'hôpital presque agonisante, fait une sorte de bilan de ce qu'a été sa vie dans cette belle ville d'Oran. Elle trouve en Nadia, médecin femme, une oreille attentive.
      Le récit est linéaire mais avec cette particularité où l'intemporel se confond avec la réclusion de Mimouna. Elle est incapable de dire sa date de naissance mais elle n'a pas oublié que sa mère lui avait dit qu'elle était née " l'année des figues ". Après une enfance insouciante à la campagne, elle se retrouve à Oran. Là, elle découvre l'univers clos des maisons urbaines, tournées vers le patio et la grande cour où la rue est inexistante. Mariage précoce et malheureux avec un ouvrier qui tire le diable par la queue. Une belle-mère imposante qui perpétue, sans coup férir, la domination et la soumission que doit lui témoigner chaque jour cette bru étrangère au clan. Divorcée, elle connaîtra un intermède heureux avec Abdessalam, un militant de la cause nationale. Dans l'accélération des évènements : Seconde Guerre mondiale, guerre de Libération nationale, Mimouna ne perçoit les choses que par bribes. En un mot, elle ne savait que ce qu'on avait bien voulu lui dire, le black out se permanise. L'héroïne dans le déroulement de son récit parle aussi des Européens qu'elle avait côtoyés et de la tendresse particulière qu'elle avait à l'égard de Mme Cruz.

      Ce roman poignant de Fatima Bakhaï a su nous restituer d'une main experte la vie des petites gens qui peuplaient les quartiers populaires d'Oran, une vie où les différences ethniques et religieuses s'annihilaient. Quant à Mimouna, malgré une forme de résignation perceptible et des péripéties incroyables, elle semble suggérer à Nadia, la femme médecin, que " la vie vaut la peine d'être vécue ".

Slimane Aït Sidhoum


Denise Barrat
Espoir et Parole
Extrait

" S'ils sont armés
c'est de roses nocturnes
Ils ne savent battre
que le rappel des coeurs"

Jean Sénac

" Tous les matins
Je te cherche parmi les cadavres
tous les matins
tout près de chez nous
chaque nuit morte l'ombre redégorge des corps
sous le pont
tout près de chez nous
on me dit
un homme n'est plus que les gardes emportent
et qu'ils ne retrouvent pas
Je te cherche parmi les cadavres
tous les matins
(...)
Je me dis
flambe la seule désespérance
je suis la vie le ciel la plaine de la souffrance
ton sang fertile demain
demain déjà la mort féconde"

Assia Djebar


Latifa Ben Mansour

L'année de l'éclipse

Note de l'éditeur
     Hayba : une jeune Algérienne, à la dérive dans Paris. Elle titube de fatigue et de désespoir, met en gage ses derniers bijoux pour survivre, lutte pour ne pas sombrer.
Et surtout, elle se souvient... De son pays radieux, en proie aux démons de la corruption et à la folie des intégristes ; du compagnon avec lequel elle rêvait de reconstruire un monde fraternel ; de sa fille, nimbée de douceur et de tendresse...
Sa mémoire en lambeaux lui fait aussi revivre la haine qui s'est abattue sur eux, sur leurs espoirs et leur générosité, et le châtiment atroce qu'on leur a fait subir, au bout d'un long tunnel d'angoisse, quand ils ont refusé de jouer le jeu des infâmes.
Brisée, glacée par l'exil, elle retrouvera, par la grâce d'un homme qui lui tend la main, le peu de foi qui lui permettra de tenir, et de donner la vie à nouveau... Sur la toile de fond d'une Algérie livrée aux barbares, avec ses notables cyniques, ses jeunes générations broyées, l'accablement qui guette et la peur en permanence, le destin d'une femme extraordinaire, raconté dans une langue qui en restitue avec saveur toutes les émotions.

citation:
« Tu resteras vivante, mais souillée à jamais. Et ta mère, ton père et tous les tiens, qu'en eux notre sperme se répande, vieux torchon puant ! » hurlaient ses tortionnaires. (p12)


Aïcha Benaïssa
Sophie Ponchelet
Née en France. Histoire d'une jeune beur.

Presse Pocket

Aïcha Benaïssa se confie à la journaliste Sophie Ponchelet
Une lutte pour devenir elle-même.
De parents algériens, il lui faut choisir de rompre avec les siens ou se soumettre à la loi musulmane.
"Entre la française que je suis et l'Algérienne que mes parents voudraient que je sois"
Ses parents la séquestrent pour la sauver du déshonneur, ils préfèrent la voir mourir en Algérie plutôt que de la savoir vivante en France.
Comment va-t-elle reconquérir sa liberté?

Commentaire

      - Naître en France. - Quoi de plus ordinaire quand on s'appelle Catherine ou Isabelle, fille de Jean-Marc et Viviane X.
Mais naître en France quand on s'appelle Aïcha, fille de Mohamed et Fatima Y, c'est un drame; cela devient, qu'on le veuille ou non, une aventure, un choc, un combat où la seule volonté ne fait pas loi. La tradition, la religion, la famille deviennent autant d'obstacles à franchir dans une véritable course à la recherche d'une identité où les pesanteurs culturelles écrasent la personnalité. Des pesanteurs d'autant plus asservissantes que l'on est née fille. "La Française que je suis, l'Algérienne qu'ils voudraient que je sois" ; voilà pourquoi Aïcha souffre, déchirée entre l'affection qu'elle porte à ses parents et son désir pressant d'intégration. A la maison, elle garde une apparence soumise, à l'extérieur, elle a l'allure de n'importe quelle jeune fille. Jusqu'au jour où elle se révolte. - Son témoignage est unique : pour la première fois, une jeune beur raconte, presque jour par jour, heure par heure, la conquête de sa liberté. - Exemplaire. - Aïcha Benaïssa s'est confiée à Sophie Ponchelet, jeune journaliste, lors d'une enquête sur les "beurettes". C'est ainsi que ce livre est né.

Aïcha Benaïssa:
      J'ai réussi à dissocier ma personnalité, à faire cohabiter en moi deux personnages opposés: la Française que je suis, l'Algérienne que mes parents auraient voulu que je sois.

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