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Zighcult
3 octobre 2005

Histoire d'Oran

L'agglomération d'Oran remonte aux premiers âges de l'humanité. Les recherches de paléontologistes et de naturalistes ont établi l'existence d'un Oran préhistorique très important et l'on peut visiter encore les nombreuses grottes du Murdjadjo où nos premiers aïeux avaient laissé des traces de leur passage et des vestiges de leurs industries : coup de poing chelléen, haches, couteaux ou scies en silex, en quartzite ou en grès siliceux, toutes ces pièces que nous avons pu admirer dans la salle d'ethnographie au premier étage du musée Demaeght.

Ainsi, la belle grotte aux trois ouvertures qui se trouve à l'origine du ravin de Noiseux abritait certainement un notable ou un riche négociant, sans doute en vins, car n'oublions pas que le Murdjadjo était couvert de vignes sauvages fournissant un vin rude tel que le feront plus tard les Pères Blancs de Misserghin.

Dès les premiers siècles du IIème millénaire avant notre ère, les Phéniciens fondèrent des établissements commerciaux et amenèrent avec eux les premiers Juifs. Carthage prit ensuite la relève mais ce sont les Romains qui assurèrent la prospérité de Portus Divini qui englobait les sites d'Oran et de Mers-El-Kébir. La pratique de l'irrigation permit le développement des plantations d'oliviers et de vignes, et l'accroissement des cultures céréalières et de l'élevage. L'Oranie devint ainsi une des plus riches contrées de l'Occident.

Au IVème et au Vème siècles, l'organisation romaine commence à se désagréger et après les invasions des Vandales, ces envahisseurs germaniques venus de l'Espagne, débarqués en 455 et surtout la conquête par les arabes en 645, la cité s'éteint et disparaît.

Il faut donc situer la véritable création de la ville d'Oran aux environs de 903, lorsque des marchands arabes de la côte d'Andalousie construisent quelques habitations et un entrepôt pour leur commerce avec Tlemcen et les populations nomades du Sahara. Cet établissement prospère rapidement.

La ville s'appelle alors Wharan, nom qui signifie : endroit difficile d'accès ou coupure. Ce mot serait alors expliqué par le site : la vallée qui sépare le front du Murdjadjo de celui de la montagne des Lions est une coupure. Plus probablement, la ville doit son nom au calife Bou Charam Ouaraham qui gouvernait la ville au Xème siècle. Le nom d'Oran apparaîtra pour la première fois dans un portulan génois de 1384.

En 910, Oran est occupé par les Fatimides, une dynastie chi'ite qui avait Kairouan pour capitale.

En 1083, c'est au tour des Almovarides. Cette dynastie berbère occupe le sud de l'Espagne et la plus grande partie de l'Afrique du Nord. Ils furent vainqueurs notamment des armées chrétiennes conduites par El Cid Campéador (1043-1099), avant de succomber sous ses assauts. Rappelons que son surnom du Cid vient de l'arabe sidi (mon seigneur).

En 1137, les Almohades conduits par Abd El Moumin, ce génie militaire né dans le pays de Nédroma, occupèrent toute l'Afrique du Nord, les royaumes de Cordoue et de Grenade. Ils furent défaits par les chrétiens à Las Navas de Tolosa le 17 juillet 1212.

En 1242, la dynastie berbère des Mérinides occupe le royaume de Grenade, tout le Maroc et une partie de l'Algérie, guère plus loin qu'Oran cependant. Ils étaient surtout de grands bâtisseurs. Mais malgré toutes ces occupations successives, Oran devient peu à peu une ville puissante.

Le système douanier, le commerce avec Marseille, Gènes et surtout Venise avec qui Oran a signé un traité de Commerce en 1250 font des Oranais des gens riches. Ils exportent de la laine, des peaux, des burnous fins, des tapis, des haïks, du cumin, des noix de Galle (ou galle d'Alep, c'est la tumeur résultant de la réaction des végétaux piqués par un insecte) et parfois aussi des esclaves noirs.

Vers la fin du XIVème siècle, Oran a alors atteint un tel degré de prospérité qu'un contemporain enthousiaste, Ibn Khaldoun, le célèbre historien arabe pouvait s'écrier : " Oran est supérieure à toutes les autres villes par son commerce. C'est le paradis du malheureux. Celui qui vient pauvre dans ses murs en sort riche. ". Mais la richesse de la ville excite la convoitise de nombreux princes berbères qui se disputent sa possession.

Oran est alors sous la coupe des Beni Zian, les gouverneurs de Tlemcen. Le luxe et la richesse portent les Oranais aux excès les plus condamnables. Ville de corruption et de relâchement dans les moeurs, Oran devient le berceau de la piraterie et Mers El Kébir un nid de forbans. Ces pirates poussaient l'insolence jusqu'à venir enlever les galions des Indes sous le feu des batteries espagnoles et faisaient continuellement des descentes armées, des côtes de l'Andalousie à Gibraltar.

Dans les premiers jours de juillet 1501, une expédition préparée par les Portugais tente de débarquer à la plage des Andalouses qui est ainsi nommée car c'est à cet endroit que débarquèrent les premiers Maures chassés d'Espagne qui furent pris par les populations autochtones pour des Andalous. La flotte surprise par un vent contraire louvoya pendant trois jours. Les arabes eurent le temps de réunir des hommes et reprirent l'avantage . Cette expédition échoua et c'est seulement le 19 mai 1509 que les Espagnols prirent la ville . Ils l'occupèrent cette première fois jusqu 'en 1708.

C'est de cette époque que datent les constructions militaires : En 1690 Don Alvarez de Bzan y Sylva, marquis de Santa Cruz fait construire au sommet du pic de l'Aidour le fort qui porte son nom.

En 1708, les Turcs sous le commandement du Bey Mustapha ben Youssef, dit Bou Chlahem, l'homme aux grandes moustaches, le fondateur de la ville de Mascara s'empare d'Oran.

En 1732, les Espagnols sont de retour à la suite de la victoire remportée à Aïn El Turk par le Comte de Mortemar.

En 1780, les Espagnols entament des pourparlers avec l'Angleterre en vue d'un échange avec Gibraltar. C'est un échec, heureusement ! Sinon nous serions Anglais aujourd'hui !

Dans la nuit du 8 au 9 octobre 1790, peu après 1 heure du matin, 22 secousses successives ébranlent la ville et font s'écrouler une grande partie des maisons. En moins de 7 minutes, 3000 personnes sont ensevelies. Des secousses se font sentir jusqu'au 22 novembre.

A la suite de ce terrible événement, le roi d'Espagne Charles IV ne s'intéressant plus à l'occupation de cette ville d'Oran qui devenait de plus en plus onéreuse et périlleuse, entame des discussions avec le bey d'Alger. Un accord est conclu, et le 6 mars 1792, le bey Mohammed El Kébir prend possession d'Oran . Jusqu'en 1830, les beys firent d'Oran leur capitale au détriment de Mascara.

Le 4 janvier 1831, les Français font leur entrée officielle dans la ville. Ce n'est pas tout de suite la paix - au contraire -. Abd El Kader va créer l'insécurité en harcelant l'armée française et il faudra 12 ans avant que le duc d'Aumale ne fasse prisonnier toute sa smalah en mai 1843.

Abd El Kader ne fera sa soumission à Louis-Philippe que le 23 décembre 1847. Mais dès 1835, le génie avait entrepris la route en corniche vers Mers El Kébir avec le percement d'un tunnel et les Français s'étaient lancés dans la restauration de la ville :

- En 1836, le général de Létang crée la magnifique promenade d'où l'on peut jouir d'un si beau panorama.

- De 1841 à 1845, Lamoricière crée un village regroupant les étrangers : Le village des Djalis (étrangers), appelé ensuite le village nègre avant de devenir la "ville nouvelle".

- En 1848, un hôpital civil est édifié rue du Cirque.

L'epidémie a oran
Lors de la terrible épidémie de choléra dans les anneés 1847, suite à une sécheresse dramatique de plusieurs mois, condamnant les populations d'Oran à des conditions de survie précaires, privation d'eau, de nourriture... ravageant la ville depuis des semaines et emportant la région avec une cruauté sans pareil, Monseigneur l'Evêque d'Oran pris l'initiative de mener en procession la statue de la Vierge suivie par toute la ville juqu'au sommet de la colline d'Oran, nommée Mont de Murdjajdo.

Toute la foule implorait la Sainte Vierge pour la voir ramener la pluie par sa bonté. Suite à cette procession, la pluie se mit à tomber à nouveau et le choléra quitta la ville d'Oran ainsi que la région. En hommage à ces miracles, une chapelle fut construite sur la colline au pied du fort de Santa Cruz...

La colline est appelée communément Santa Cruz, à cause du fort du même nom, bâti par les Espagnols au 15 è siècle pour protéger la ville. Cette chapelle accueillit la Statue de la procession bénéfique, en son sommet. Malheureusement, frappée par la foudre à plusieurs reprises, il fallut abriter la vraie statue ouvragée en bois à l'intérieur et faire installer une copie à l'extérieur. Les vues d'Oran sont souvent présentées sous la protection de Notre Dame de Santa Cruz, patronne de la ville. Chaque année à l'Ascension, les Oranais et leurs voisins (10 000 personnes) partaient escalader ces sentiers pour Le pélérinage, certains faisaient le voeu de grimper les sentiers rocailleux sur les genoux et le faisaient en implorant une grâce surtout pendant les guerres. Familles rassemblées par cette marche, enfants emplis de joie, rires, patés de frita, et messe solennelle au sommet constituaient les images les plus colorées et heureuses de l'Année religieuse. L'allégresse de cette journée toujours mémorable trouve un écho formidablement immédiat dans les récits de ses acteurs ! La Statue de Notre Dame de Santa Cruz a été rapatriée avec grand soin à Nîmes où une véritable chapelle fût installée dans une grotte. C'est désormais un lieu de pélérinage qui revêt également une mission de rassemblement fraternel. A noter les plaques nombreuses dédiées à la Sainte Vierge d'Oran pour la remercier de ses miracles, et scellées sur les parois de cette grotte, saisissant le passant.

La Démographie et les différentes populations
Dès le IIème avant J.C., ce sont les Phéniciens qui habitent Oran et surtout les juifs qui eux, y font commerce. Depuis ce temps les juifs sont présents dans la ville et seuls parmi toutes les entités humaines, ils ont connu sans perdre leur identité la longue série d'empires qui gouvernent cette terre depuis Carthage jusqu'à la France.

Et lorsque Isabelle la Catholique expulse tous les juifs d'Espagne, le mardi 31 juillet 1492, c'est 200 000 personnes qui s'expatrient et un millier d'entre eux vers le Maghreb ; Oran en recevra la plus grande part.

En 1770, Oran est une ville de 532 maisons particulières et 42 édifices publics ; une population de 2 317 bourgeois et 2 821 déportés libres se livrent au négoce. Lorsque les Espagnols quittent Oran en 1792, il ne reste qu'un seul européen, un Français, le sieur Gaillard né en 1750 à Paris et naturalisé Espagnol sous le nom de Gallardo ; il se fait musulman en acceptant la charge de joaillier du bey. Son fils hérite de la charge et les Français le trouveront en arrivant, exerçant son métier.

En 1794, des pèlerins venus de la Mecque apportent une nouvelle épidémie de peste et la ville redevient pratiquement déserte.

En 1832, le recensement fait par le commissaire du roi, Pujol, indique une population de 3 800 habitants : 750 européens, 250 musulmans et 2 800 israélites. Malgré une épouvantable épidémie de choléra en 1849, la ville va se développer rapidement. En 1961, les statistiques donnent 400 000 habitants : 220 000 européens et 180 000 musulmans. Oran est alors la première ville d'Algérie où la population européenne dépasse en nombre la population musulmane.

Depuis le 31 janvier 1848, la ville est érigée en commune et jusqu'en 1962, 28 maires s'y succéderont et s'appliqueront à embellir peu à peu leur ville.

Jusqu'en 1850, la ville se cantonne dans les bas quartiers avec une seule pointe sur le plateau représentée par le quartier israélite. Vers 1890, Oran, à l'étroit, commence à grimper vers Karguentah. Peu à peu, la ville sort de ses limites et de nombreux faubourgs se créent : Saint Antoine, Eckmuhl, Boulanger, Delmonte, Saint Michel, Miramar, Saint Pierre, Saint Eugène, Gambetta.

L'administration française distribue de nombreux lots de terrains de 4 à 12 hectares à de petits colons européens et nombre d'entre eux tentent leur chance :

Au 1er janvier 1847, 47 300 Français étaient venus d'Alsace, des Vosges, du Dauphiné et du sud de la France en même temps que 31 000 Espagnols, 8 800 Maltais, 8 200 Italiens et 8 600 Suisses et Allemands qui passaient pour être les plus mauvais colons.

La consanguinité espagnole est constatée dans 80% environ de la population française d'origine européenne, mais bien peu de particularités permettaient encore de les distinguer. Si les spectacles de danses ou de musique espagnole continuaient de plaire aux Oranais, les courses de taureaux n'avaient plus de succès et les arènes d'Eckmuhl tombèrent en ruines.

Les Oranais de Tlemcen, Mostaganem, Mascara, Sidi-Bel-Abbès ou Relizane étaient pour la plupart des descendants d'émigrés espagnols, levantins ou andalous qui, au milieu du XIXème siècle avaient fui la misère de leur pays. Leurs grands-pères étaient arrivés à bord de balancelles transportant des cargaisons de gargoulettes. Sur la blouse noire des paysans alicantins, ils transportaient au bout d'une canne un baluchon qui constituait tout le patrimoine familial.

Dans la cour des écoles, ceux dont le nom avait une consonance ibérique étaient des "escargots" parce que leurs parents étaient venus en Algérie "transportant leur maison sur leur dos". Seul les prolétaires continuaient à parler le patois valencien ou andalou et à pratiquer un catholicisme fortement entaché de pratiques superstitieuses. Les Levy ou les Cohen étaient des "piments" , car la frita, mets à base de poivrons doux, constituait pour eux une nourriture de base. Les musulmans qui portaient à l'époque la chéchia ou le fez étaient à cause de la forme et la couleur de leur coiffure des "fromages de hollande", des "bouteilles cachetées" ou des "melons". Les Durand et les Dubois, fraîchement arrivés de la Mère Patrie, si loin qu'il fallait alors 40 heures de bateau pour y parvenir, étaient des "françaouis".

Le terme "patos" est né plus tard. En espagnol, un patos est un canard ; et les braves paysans limousins ou jurassiens que la France envoyait servir au 2ème régiment de Zouaves à Oran ou au 2ème Chasseurs d'Afrique à Mascara avaient souvent la démarche chaloupée de ce palmipède.

Les gens nés dans le pays n'étaient pas encore des Pieds Noirs. Ils s'étaient attribués, pour se distinguer des nouveaux débarqués de nom de " margaillons ". Un margaillon en jargon pataouète est un palmier nain qui pousse un peu partout, qui peut vivre des mois sans eau et qui ne se laisse arracher qu'avec beaucoup de difficultés ; il était pour eux un symbole d'endurance et de résistance. (on peut rapprocher ce mot de celui de Sabra qui est une figue de Barbarie et qui est le surnom du juif né en Israël.) Tous ces surnoms ne devenaient péjoratifs qu'au cours d'une discussion... ou d'un match de football, ce qui revient au même.

Les mariages avaient brassé les descendants des communautés originelles métropolitaines, ibériques ou italiennes . Venaient s'y ajouter quelques gouttes de sang grec ou maltais. Les légionnaires démobilisés à Sidi Bel Abbès se fixèrent aussi volontiers dans le pays. Il y eut quelques mariages entre chrétiens et juifs, très peu entre européens et musulmans et pas du tout entre musulmans et juifs. Ce n'était pas du racisme mais une incompatibilité de règles religieuses et de moeurs, la polygamie des uns étant incompatible avec la monogamie des autres.

La proximité de l'Espagne (par temps clair, de la côte de Bel Horizon qui domine la rade de Mers El Kébir du haut de ses 511 mètres, il est possible d'apercevoir à l'horizon le sommet de la cordillère du Cap de Gata), une occupation de trois siècles par les armées espagnoles, ont donné aux Oranais un caractère qui leur faisait dire en parlant des Algérois de la rue d'Isly, que ces derniers étaient les Lyonnais de l'Algérie. Autant les Algérois se montraient réticents à accepter un étranger, autant les Oranais avaient le sens ibérique de l'hospitalité.

Le 14 juillet 1865, date à laquelle Napoléon III signe le senatus consulte sur l'état des personnes et de la naturalisation qui frappe de nationalité française les israélites et les musulmans qui le désirent, marque le début, en Algérie et à Oran, de la période anti-juive. Dès le début, l'antisémitisme algérien est une affaire de politique électorale. La première ligue anti-juive est fondée en juillet 1871 pour écarter les juifs des urnes ; nouveaux électeurs, ils sont 15% du corps électoral et en mesure d'arbitrer les conflits. Car, dociles et sans formation politique, ils votent selon les indications de leur consistoire. Or ceux-ci sont parfois présidés par des personnalités aussi discutées que le fut Simon Kanoui "Le Rotschild d'Oran", grand électeur de l'Oranie de 1871 à 1897 et qui proclamait beaucoup trop haut et beaucoup trop fort que personne n'entrerait à la Mairie sans son aval. Quand l'affaire Dreyfus éclate, la vague anti-juive grossit brusquement.

Des ligues anti-juives se créent, rassemblant dans un parti "français" les électeurs de gauche. Ils l'emportent aux élections municipales de 1897 : C'est le pharmacien Gobert, radical anti-juif, qui est élu. En mai 1897, un attentat contre un conseiller municipal d'Oran, venu assister à une course cycliste à Mostaganem, provoque le pillage du quartier juif de cette ville par les Musulmans et les européens. Cet exemple est suivi à Oran où la mise à sac des boutiques appartenant aux israélites dure trois jours.

Cependant le gouvernement refuse d'accéder aux exigences de la population qui demande l'abrogation du décret Crémieux.

Mais le marasme économique dans lequel se débat l'Algérie démobilise les politiciens. " On ne vit pas de politique " est-il écrit dans la dépêche algérienne du 1er avril 1902. Aux élections de la même année, les candidats républicains l'emportent sur les anti-juifs : Le calme est revenu.

Le porte-parole de l'anti-judaïsme sera longtemps un vieux médecin, le docteur Molle. Celui que ses amis appellent le rénovateur de l'antisémitisme algérien, ne pardonne pas aux juifs d'avoir voté contre lui. Fondateur d'une " ligue latine" , puis d'une " union latine " qui appelle l'union des latins contre les juifs, il réussit à obtenir le boycott des commerçants juifs. Aux élections municipales de mai 1925, sa liste l'emporte avec 2 000 voix de majorité.

Le docteur Molle est soutenu dans sa campagne par le journal "Le Petit Oranais" qui a pour manchette une phrase de Luther : " Il faut mettre le soufre, la poix et s'il se peut le feu de l'enfer aux synagogues et aux écoles juives, détruire les maisons des juifs, s'emparer de leurs capitaux et les chasser en pleine campagne comme des chiens enragés ". Obligé, à la suite d'une plainte du Gouverneur Général Violette de retirer cette manchette, le journal ornera, quelques années plus tard, sa première page d'une croix gammée. Les Unions Latines du docteur Molle prospérèrent et, de 1926 à 1932, elles domineront la vie politique de l'Oranie.

En 1932, un an après la mort du docteur Molle, Oran et Sidi Bel Abbès éliront encore des députés qui se proclament d'abord anti-juifs, par exemple Michel Pares qui se mettra au service de Mussolini.

Avec la montée de la crise économique, l'antisémitisme un peu assoupi se réveille ; "Le Petit Oranais" retrouve son ton furieux ; d'immenses croix gammées peintes au goudron apparaissent sur le mur des édifices d'Oran. Les établissements Juan Bastos ornent leurs cahiers de papiers à cigarettes de 12 croix gammées sans qu'on puisse dire s'il s'agit d'un manifeste politique ou d'un sens publicitaire dévoyé. La crise économique est toujours fort préoccupante et, le 17 décembre 1933, " Oran Matin" note : " Babouchiers, cordonniers, brodeurs n'ont plus rien à faire ; tous se promènent dans les rues offrant le triste spectacle du chômage et de ses funestes conséquences. " Le Maire, quant à lui, constate que " des tribus entières de pauvres diables n'ont rien ; tant que durent les figues de Barbarie, ils peuvent vivre ; après, ils en sont réduits à voler. "

La crise viticole des années 34 et 35 favorise la création de fronts paysans et la campagne du Front Populaire sert également de prétexte à une nouvelle et vigoureuse poussée d'antisémitisme.

A Oran, le maire, l'ex-Abbé Lambert, prêche, coiffé du casque colonial et ceint de l'écharpe tricolore, la mobilisation générale contre les juifs et le Front Populaire. Fondateur des "amitiés Lambert", il reprend la politique anti-juive des " unions latines" et désigne le Front Populaire comme une manifestation d'impérialisme juif. Or ce dangereux démagogue, idole de la plèbe oranaise, déchaîne l'enthousiasme à chaque discours . Son buste, vendu 3 francs se trouve dans toutes les maisons oranaises ; c'est paraît-il une précieuse amulette pour les femmes en couches.

Il faudra la loi du 21 avril 1939, réprimant les excitations à la haine raciale pour faire taire provisoirement les anti-juifs d'Algérie.

L'Abbé Lambert avait bâti sa propagande sur ses talents de sourcier, promettant l'eau douce à tous les Oranais. Mais c'est bien après lui que la ville et la région seront alimentées en eau douce. Et, histoire de se rappeler le bon temps, bon nombre d'Oranais ajouteront du sel dans leur tasse de café.

L'Abbé Lambert prêchait aussi l'aide à la "reconquista" , et les élus de droite se feront une gloire d'avoir été les premiers à réclamer la reconnaissance officielle du gouvernement Franco. Pendant que les dirigeants des " Unions latines" ravitaillaient les franquistes en volontaires et en argent, les syndicats d'Oran participaient à la contrebande de guerre et facilitaient les départs des brigades internationales.

Mais à Oran, la vie politique est aussi conditionnée par les journaux et, si le "Petit Oranais" a eu un certain temps un impact certain sur une partie de la population, "L'Echo d'Oran" fut le journal le plus important. C'est le plus ancien et le plus diffusé : 80 000 exemplaires en 1936, 93 500 en 1938 et 120 000 dans les années 60. Il cessera d'exister en 1963. Fondé en 1844 - le numéro 0 est du samedi 5 octobre 1844 - par Adolphe Perrier, un imprimeur lorrain banni par Louis-Philippe pour avoir exprimé des sentiments trop républicains, ce journal paraissait tous les samedis et se qualifiait "d'organe d'annonces judiciaires, administratives et commerciales" .

Il affiche entre les deux guerres les opinions d'une droite modérée. A partir de 1945, il est dirigé par Pierre Laffont, arrière petit-fils du fondateur. Né en 1913, député en 1958, c'est un libéral modéré. L'Echo d'Oran est le journal des européens et des musulmans acquis aux européens.

Les traditions
Dans les vieux quartiers de la Marine, à la saison chaude, si les chaussées et les magasins sont déserts aux longues heures de la méridienne, les chaises occupent les trottoirs dès la tombée de la nuit. On va prendre le frais sur les falaises bordées de palmiers du front de mer.

Mais c'est à Pâques et à l'Ascension que la fiesta prend tout son sens.

"La Mouna" est surtout la fête du printemps et l'exode du citadin vers les rares coins de verdure des environs ; la source Noiseux pour les piétons, les pinèdes de Canastel, de la Montagne des Lions ou M'sila pour les motorisés. Pour les chrétiens, c'est le moment d'honorer la Vierge de Misserghin. Plus qu'un gros village, ; Misserghin est une immense jardin d'orangers. C'est le berceau de la clémentine, cette variété de mandarine à la peau plus fine et plus rouge et à la chair ferme et sucrée. C'est là que l'abbé Clément la créa à la suite de longues recherches et de greffes heureuses de bigaradiers. Et, au bout d'un ravin embaumé par les fragrances des agrumes en fleurs, s'ouvre une grotte, reproduction de celle de Lourdes, avec ses béquilles, ses corsets orthopédiques et d'autres vestiges de miraculés reconnaissants.

Le plat du jour est, soit le riz à l'espagnole, soit le "gaspacho", qui est un épais et succulent ragoût de porc, de gibier ou de volaille servi sur une immense fougasse ou "coca" . C'est au dessert qu'apparaît l'événement tant attendu : la "Mouna", pâtisserie briochée surmontée d'oeufs coloriés.

L'origine de cette Mouna est peu connue : Au 16ème siècle, les rois d'Espagne envoyaient dans leurs présidios africains (Ceuta, Malilla ou Oran) ceux de leurs courtisans qui s'étaient rendus indésirables à l'Escurial. Ces présidios ou places fortes avaient leur Bastille . Celle d'Oran se trouvait sur un pennon rocheux, à cheval sur la rade de Mers El Kébir . Parce que les singes ("monos" en espagnol) y étaient aussi nombreux qu'à Gibraltar, cette roche et la forteresse qui s'y dressait portait le nom de la mona. Ce fut ensuite le fort Lamoune, siège de l'Amirauté jusqu'en 1962. Une seule fois l'an, le dimanche de Pâques après la communion, les déportés avaient le droit d'apercevoir leurs famille qui résidaient tout près de là, dans le quartier de la Blanca, en bordure de l'enceinte de la casbah.

Les parents se réunissaient au pied des murs et faisaient passer aux prisonniers, au bout de longues perches, un gros gâteau préparé pour la circonstance et que depuis on continue à appeler la "Mouna".

En échange, les prisonniers embastillés faisaient descendre des plaques de tôle sur lesquelles ils avaient fait cuire une purée de farine de pois chiches, leur maigre pitance toute l'année. Cette espèce de flan de prisonnier devait se manger très chaud car il durcissait en refroidissant . On l'appelait la "calentica" (de "caliente" chaud, en espagnol). La calentica, vendue par des marchands ambulants, est restée longtemps le plat du pauvre.

Le jeudi de l'Ascension, les catholiques honoraient la vierge de Santa Cruz. Cette vierge a une histoire : En 1849, la population, alarmée par une longue période de sécheresse et une épidémie de choléra, adresse une supplique au général Pelissier commandant la Garnison. Chacun pensait en effet, que seule une forte pluie pouvait les débarrasser de la maladie. Dans le village nègre, un taureau avait été sacrifié dans le tintamarre agaçant des castagnettes et le tam-tam assourdissant des tambourins. Mais le ciel restait obstinément clair.

C'est alors que les Espagnols proposèrent de monter nu-pieds, sur les genoux pour les plus courageux, jusqu'au château fort que le marquis de Santa Cruz avait fait bâtir tout au sommet du djebel Murdjadjo. Avec la bénédiction bourrue du général Pelissier, les pèlerins escaladèrent les flancs arides de la colline dominant le petit port de la Calère, portant sur leurs robustes épaules une statue de la Vierge qui fut déposée au pied du fort, à l'endroit ou un promontoire rocheux permet d'embrasser un magnifique panorama.

La plaque commémorative signale : "dédiée à la vierge Notre Dame du Salut après l'épidémie de choléra de 1849. Inauguration le 9 mai 1850 par Monseigneur Pavy, évêque d'Alger. La statue a été mise en place sur la tour le 6 décembre 1873."

Des cierges brûlèrent par centaines, des prières furent dites à l'intention de Notre Dame de Santa Cruz et le lendemain, la pluie tomba. Telle est la légende qui est à l'origine de la patronne des Oranais qui lui dédièrent une chapelle, puis une basilique, inaugurée en 1950 par le cardinal Roncalli, le futur Jean XXIII.

Repliés en métropole, les Oranais n'eurent qu'une pensée : Faire revenir leur protectrice auprès d'eux. Et, tandis que le Monument aux Morts d'Oran était transféré à Lyon, quartier de la Duchère (Avenue Balmont), Notre Dame de Santa Cruz recevait l'hospitalité de l'humble église de Courbessac, près de Nîmes.


Source: http://www.tamurth.net/article.php3?id_article=116


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