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Zighcult
5 octobre 2005

Le gouara

On a souvent tendance à exagérer l'étrangeté de l'architecture du Gourrara, particulièrement lorsqu'on l'attribue entièrement au don artistique d'un capitaine de l'armée coloniale française, nommé Anthénour. Par nostalgie, celui-ci aurait tout simplement reproduit au Gourrara l'urbanisme du Niger. Il est bien évident qu'on doit attribuer à cet original, ce qui a été convenu d'appeler : « L'Architecture néo-Soudanaise ».
Il reste que la permanence de la base architecturale au Maghreb ne peut être profondément modifiée par des rajouts et des emprunts combien même très réussis. Certes, ce style « transféré », superbement représenté au Sahel a été excellemment exécuté à Timimoun : la « Porte du Soudan », la « Grande mosquée », et l'hôtel « L'Oasis Rouge ». Il n'en demeure pas moins qu'il faut reconsidérer le rapport intime à l'espace, intériorisé par les milliers de générations de sahariens, en particulier dans cette région.

C'est ce rapport qui en définitive, prévaut sur l'apparence extérieure, telles que les sculptures murales de Timimoun et dont les motifs sont par ailleurs entièrement extraits de la symbolique berbère.

En Afrique du Nord, le Sahara y compris, l'architecture est essentiellement hiérarchisée dans des emboîtements solidaires. Est-ce là un héritage levantin ? Méditerranéen ? Cet héritage n'est-il pas commun plutôt aux zones d'influences Mésopotamiennes qui des siècles durant, même après l'Islam, s'est maintenu à travers des couloirs géographiques traditionnels très anciens ?

Quoiqu'il en soit, il faut affirmer que cette perception maghrébine de l'espace ne correspond pas à l'esprit d'entreprise très occidental mais procèderait plutôt d'une attitude contemplative, anti-volontariste, plus conforme à l'esprit de soumission à la vie, attitude orientale plutôt commune. Le M'Zab et le Gourrara sont plus proches de l'Oman et du Yémen que de Rome, tout au moins en ce qui concerne l'architecture.

Un travail collossal, un paradis et un passé si proche !

A un bout, il y a Tlemcen, bruissante de ruisseaux, repue de l'ombre de ses jardins qui s'étagent en cascades de verdure ; Tlemcen la magnifique, qui croule indécente, sous la douceur de son climat, qui grouille de mille mondes les jours de marché, sous la surveillance pieuse de Sidi Boumediene, saint patron de la ville, sous le regard condescendant de Sidi El Halawi, le Mufti délicieusement rebelle, distributeur charitable de bonbons aux enfants de la ville. Voilà Tlemcen en quelques mots : en or, en fraîcheur en art et en histoire.

A l'autre bout, à des milliers de kilomètres au Mali, il y a Djenné, une petite ville écrasée de chaleur sahélienne. Il ne reste de sa splendeur passée que la mosquée millénaire tant de fois restaurée. Ancien centre de transit de l'or et de l'ivoire, marché aux esclaves, échangés contre du sel ou des armes d'apparat, Djenné se meurt du soir au matin.

Entre ces deux extrémités du vieux parcours caravanier, Timimoun, le Gourara et les Oasis rouges résistent par habitude. Timimoun ville de légende, assoupie dans le bonheur de ses forêts de palmiers, persiste à transformer la minéralité la plus violente en Jardins de rêve dont les exhalaisons parfumées se répandent à des kilomètres dans le désert.

Tlemcen continue d'étaler l'abondance de ses richesses, son orfèvrerie, ses broderies et ses burnous, mais il n'y a plus de caravane pour ramener du Soudan les plumes d'autruche, l'or et l'ivoire.

A Djenné la mosquée a survécu et dans les souks misérables, on pèse encore à la balance des morceaux de plaques de sel. L'eau pure s'y vend à un dollar U.S ! Pour rester en vie dans le Sahel moribond, il vous faut tous les jours 5 dollars et autant pour le lendemain.

Quelques rares caravanes bravent à ce jour les dangers du désert pour apporter du sel à Djenné…. Djenné signifie jardin et Paradis dans la langue de l'Islam. ! Mais il ne reste rien à Djenné qui rappelle son passé glorieux. Seuls les hommes restent debout dans cet enfer écologique.

A Timimoun, dans le Gourara, les eaux pures continuent de glisser de l'Atlas depuis des millénaires, pour venir sourdre dans les palmeraies, grâce au courage et à l'abnégation de ses hommes, résolus à se battre contre le sable, contre la chaleur, le sel et la mort. Car le sel est omniprésent dans ces régions du désert.

Le sel abiotique de la Sebkha jouxte les palmeraies sur des distances effrayantes. Les caravanes n'apportent plus que des touristes ébahis par la réaction courageuse et intelligente des Gourrari, face à la violence de la nature. Le Gourara, comme le Touat, est la région la plus riche en Fougara. Du reste, les techniques de distributions de l'eau par les "peignes", l'irrigation traditionnelle, la Touisa*, nous donnent encore l'occasion d'admirer dans cette vieille société, des mœurs aux allures bibliques.

*Touisa, un rassemblement de la communauté en vue de la réalisation collective d'une tâche pour aider un individu ou un groupe dans le besoin. Par exemple : Bâtir une maison, réaménager un besoin saccagé par les intempéries etc.

La Chance de Timimoun
Si Tlemcen croule toujours dans l'orgie de sa richesse, si Djenné agonise dans sa profonde misère, Timimoun qui signifie aussi la chance, demeure entière comme un rêve de pierre. Ces trois villes, ces trois régions si proches autrefois, n'existent ensemble que sur une carte de géographie.

Seule la chanceuse Timimoun, en dépit de son histoire écologique dramatique, est restée, égale à elle-même, éternelle.

La Sebkha est toujours là, témoin épouvantable d'un désert jeune qui a anéanti un éden écologique fait de lacs giboyeux et d'immenses forêts. D'ailleurs dans le langage de tous les jours, on trouve encore les traces de ce passé humide.

Les lacs disparus du Gourara sont présents dans les mots simples qu'on utilise habituellement, comme les noms de villages par exemple : El Marsa est un Ksar qui signifie port en arabe. Hadj Guelmane, un autre village de la région, est la transformation de Aguelmane qui signifie lac en Tamahaq.

Si la Sebkha représente l'énorme héritage de sel obtenu par l'évaporation des eaux après la désertification, elle est surtout le témoin privilégié d'un paradis perdu, reconquis de haute lutte, mètre carré par mètre carré grâce au travail de l'homme.

Ce lac de 80 km environ, asséché par de très fortes évaporations, nous l'avons sous les yeux aujourd'hui même, sous l'exemple du lac Tchad. Le même phénomène de dépérissement observable à vue d'œil, se poursuit dans ce réservoir, qu'on a cru encore une fois inépuisable. Les pêcheurs, aux abords du lac Tchad font maintenant plusieurs kilomètres en traînant leurs barques, pour rejoindre des berges qui étaient, il y a quelques années, à la portée de leurs filets. Rien n'est plus attristant que de voir la nature étouffer la vie.

Il y a très peu de temps encore, des crocodiles, reliques de ces lacs survivaient dans les Aguelmane du Tassili. Le dernier d'entre eux est mort dans l'Imirhou, à la fin du siècle dernier. Dans le massif de l'Ennedi, au Tchad, on peut encore observer quelques-uns de ces animaux. Leurs ancêtres ont vécu en même temps que les dinosaures. Leur mort certaine sera affligeante mais l'assèchement des Guelta est encore plus dramatique, car il ne concerne plus une seule espèce mais tout un écosystème.

C'est sous cet éclairage qu'il faut replacer l'assèchement du lac du Gourara. La sebkha, ultime témoin de ce fabuleux passé, ne cessera jamais de raconter son drame. Dans cette solitude argentée, si peu propice à la vie, l'espoir renaît quand on voit de temps à autre, des plantes fantastiques, briser l'épaisse croûte opaline, et s'épanouir dans un désert de sel.

Une contrée épique
En contre plongée, on aperçoit la falaise qui accompagne l'immense plaine blanche. Les Ksours ne sont pas établis comme au long de la Saoura, au hasard du tracé de la rivière. Ici, ils se regroupent sous la tutelle nécessaire et bienveillante de forteresses bâties sur des pitons rocheux, indépendants de la falaise. Ces forts, des Kasbah, renfermaient surtout les greniers, principaux remèdes aux fréquentes disettes du désert.

Une hauteur, dans le désert, plus qu'ailleurs, est une défense sûre ! Rappelons pour l'exemple, quelques faits dans les guerres Chiites contre les Ibadites de Sedrata : Lorsque ces derniers se sont réfugiés avec armes et bagages sur la Gara Krima, transformée en citadelle inexpugnable par la seule valeur de sa hauteur, (il s'agit d'un reste de plateau), le siège, dit-on fût levé grâce à une ruse de guerre. En fait la Gara joua pleinement son rôle stratégique et généreux de fort protecteur. Les mozabites, comme leurs voisins Ouarglis, la nomment toujours Krima, c'est-à-dire la généreuse.

La turbulence des nomades dans le désert comme nous l'avons indiqué ailleurs, était due, non point seulement à leur instinct de guerrier belliqueux et hautain, mais à la famine tout court. Les Ksours regorgeaient de réserves alimentaires. Pour sauver leurs enfants et leurs familles, il ne restait pour les tribus sinistrées que la guerre. La haine ancestrale des uns contre les autres faisait tout le reste.

Les ksouriens n'avaient pas d'autres choix : ou bien ils se soumettaient à la force ou bien ils la combattaient avec l'énergie du désespoir. Ces châteaux forts étaient donc érigés pour la défense et pour rassembler dans les plus brefs délais les femmes et les enfants. Les greniers aménagés en réserves stratégiques, objets de brigandage, pouvaient être ainsi rapidement et énergiquement protégés. La forteresse en plus des pièges militaires classiques qu'elle recelait, était renforcée par des systèmes naturels propres à la topographie des lieux.

La série de châteaux-forts protégeant les ksours, la vivante Sebkha, les jardins enchanteurs, l'Erg mystérieux, l'artisanat mythique aux couleurs très africaines, et son architecture inattendue, offre au Gourara, une personnalité originale et des atouts touristiques incontestables.

Tout cet ensemble est placé entre l'Erg occidental et le plateau du Tadmaït. La sebkha se trouve immédiatement à l'est de l'Erg. Son contour est balisé par les ksours de Gabsa, Badriane, Ighzer, Farraoun, Oumrad, petit ksar aux jardins quadrillés, Tindjillet, Sementa, Hadj Guelman, Gour Toubchirine. Cet itinéraire, qui constitue le circuit touristique proposé par les professionnels, commence au nord de Timimoun par Massine. Le circuit enveloppe alors la sebkha, dans une boucle qui se referme à Massine pour aboutir à Timimoun. De nombreuses échappées peuvent conduire au pied de l'Erg, comme le superbe site de Ouled Saïd, totalement en retrait de la route Hadj Guelmane-Timimoun.

Mais le Gourara ne s'arrête pas là ! Il comprend également : le Tinerkouk et Taghouzi dans les dunes avec Charouine, sur la route principale. Il comprend enfin l'Aoufront et le Deldoul avec ses 28 palmeraies !


Source Averroes Interactive Inc http://www.ifrance.com/averroes-institut

et http://www.tamurth.net/article.php3?id_article=422

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