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Zighcult
19 octobre 2005

Monuments millénaires de Constantine

Vous êtes enchantés, séduits, pris à rebrousse-poil et à rebrousse-idées reçues, provoqués et enrichis par chaque pont suspendu, par chaque sentiment de danger qui vous envahi du haut des gorges "serrées" du Rhumel. Le Rhumel, cet espèce de "rivière torrent" qui a laissé s'infiltrer des eaux troubles et impétueuses.

Constantine, ce crime anecdotique commis sur "l'imprenable". Ces monuments jetés dans la fosse commune d'une mémoire collective riche et contraignante cumulée sur les copeaux de l'histoire de cette cité qui fut, naguère, la première et unique capitale des berbères.

Et de ces vestiges de l'histoire, la métropole déchue n'a conservé que des bribes. Des souvenirs qui ont souvent su transformer en or du temps mais qui sont aujourd'hui en état de dégradation avancée : l'histoire a perdu la mémoire.

Les voici ces monuments transformés en lieux de débauche, en fonds de commerces illicites, en lieux "alibi" aux détournements de l'histoire, car abandonnés par la force de l'incompétence aux résonances récurantes d'une non gestion sciemment entretenue par des gouvernants souvent en perte de vitesse et de mémoire. Le mausolée de Massinissa implanté à 16 Km de la ville, dans le croisement de deux voies importantes du territoire numidien à savoir, le parcours Cirta-Theveste (Tebessa) et celui reliant Calama (Guelma)- Sétifis (Sétif). Et contrairement au reste des monuments funéraires du pays, le mausolée de Massinissa a cette particularité d'être en forme carrée qui s'élève à une hauteur dégradée et se compose de cinq assises de pierres de taille formant gradins. Ce mausolée est attribué à Massinissa, ce roi vaillant qui fit de Cirta, la riche cité, la capitale de la Numidie en l'an 202 avant J.C. Ce mausolée abandonné à lui-même a été pillé et ses pierres Ô combien historiques ont servi à construire des maisons d'infortune. Le même constat peut être fait du tombeau de Lollius Irbicus qui fait aujourd'hui partie des restes de l'antiquité romaine. Situé aux environs de Constantine, près de Tiddis, ce monument qui fut sûrement un cénotaphe, une sorte de mausolée élevé par Lollius-Irbicus, préfet de Rome, pour sa famille est livré aux pilleurs et autres délinquants qui souvent y élisent souvent domicile.

Tiddis, à 30 km de Constantine sur la RN27, ce merveilleux site étagé implanté sur un amas de rochers durs à une très grande hauteur, est comme un cadavre dans une lagune. Cette ville qui a connu la conquête romaine a existé bien avant leur avènement : son nom berbère, Tiddis, en atteste. Elle reçut les empreintes des civilisations hybrique, punique, romaine, chrétienne et musulmane et demeure jusqu'à ce jour, un lieu grandiose même s'il est complètement abandonné puisque pas même barricadé, ouvert sur l'histoire prestigieuse des berbères numides. Et les aqueducs de la ville de Cirta qui recevaient l'eau de la source de Boumerzouf à 35 km au sud, il ne reste que quelques mètres. A 1200 m au sud de l'ancienne Cirta, un siphon avait été établi pour la traversée de la vallée du Rhumel, l'aqueduc allait ensuite aboutir à de grandes citernes de distributions ménagères dans la colline du Coudiat Ati. Le pont qui soutenait la conduite dans la vallée était constitué d'une série d'arcades portées par de puissantes piles.

Aujourd'hui, il n'en reste qu'une petite suite de 60 mètres appelées "arcades romaines" miraculeusement sauvées des griffes d'une urbanisation sauvage qui a failli les emporter- Autre vestige, autre histoire : les bains de César qui existent toujours "malgré les nuisances" et situés en profondeur du Rhumel à proximité de la gare ferroviaire. Ces bains antiques partiellement détruits par les inondations de 1957 attiraient les familles riveraines qui s'y baignaient en profitant de la beauté de la forteresse naturelle surgie comme sous la poussée d'un volcan au milieu d'un cirque de pierre (1). Ces bains là pris d'assaut par des montagnes de détritus sont devenus de véritables bains "morts" -Et la liste de ces vestiges passés par le meilleur et par le pire est on ne peut plus exhaustive.

Le palais du Bey qui risque de succomber à sa restauration, mal enclenchée et exécrablement entreprise, la résidence de Salah Bey en état de dégradation avancée, la vieille ville dont tous les faiseurs de culture parlent et que tout le monde écrase, les mosquées auréolées de noms de "Sidi" (Saint) : Sidi Lakhdar, Sidi El Kettani, Sidi Affene, la grande mosquée, les mosquée Souk El Ghzel, toutes ces pierres qui supportent mal l'indifférence et qui s'écroulent en silence meurtries par trop d'amnésie. Et le monument aux morts, ce magnifique arc de triomphe édifié à la mémoire des soldats morts durant la Première Guerre mondiale. Réplique identique de celui de "Trajan" à Timgad, ce monument construit en 16 ans avec la complicité de sculpteurs de renom a été complètement pillé.

Ses deux façades sont en très mauvais état, le marbre noir qui revêtait ses marches a été pillé ainsi que les deux longues vues qui offrent un panorama du rocher dans sa totalité. La victoire qui le couronne, reproduction agrandie d'une admirable statuette romaine en bronze trouvée en1855 dans la cour de la Casbah par des soldats français qui effectuaient des fouilles et baptisée ; "La victoire de Constantine" est chaque jour enjambée par des dizaines, voire des centaines de personnes qui se permettent même le luxe de "déféquer" à l'intérieur de l'enceinte.

Tout cela en l'absence d'une gestion adéquate, voire de gestion tout court, de ce patrimoine valeureux qui s'en va en silence. Constantine que Théophile Gautier assimila à une fantaisie sauvage copiée de Salvador Rosa se contentera de vivre de projets qui ne feront qu'attendre, car la revoilà fragile avant que d'être à vendre.

Delizia Ben. Libete 23/08/2001


Source: http://www.tamurth.net/article.php3?id_article=35


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