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Zighcult
13 novembre 2005

SI MOHAND


ou M’HAND est l’un des pivots de la poésie algérienne, monument de la tradition orale kabyle (Algérie). Né vers 1845 dans le village de Chéraouia, et il est mort en 1906. Ses œuvres sont d’une grande émotion. Qualifiées de plus légères que l’air, elles sont imprégnées de grandeur d’âme et de son attachement à ses valeurs ancestrales et à sa terre bénie, la Kabylie.

Poète de l’exil et de la souffrance, il a eu un destin amer et tumultueux, marqué par les secousses de la vie qui ont ébranlé l’Algérie. Éternel errant, il vivait d’expédiant. Il a usé d’un verbe tranchant et d’un verbe rebelle pour dénoncer les injustices et les souffrances de son peuple, dépossédé par les colons, affaibli par la grande famine de 1868. Il a d’ailleurs dû fuir son village, avec toute sa famille. Et Si Mohand n’hésitait pas à se servir de la poésie pour répondre à toutes ces injustices.

Les deux écrivains algériens, Mouloud Mammeri et Mouloud Feraoun ont su faire revivre à travers leurs œuvres l’héritage de Si Mohand.

L’AMITIE BAFFOUÉE
(extraits)

Tandis que les vautours sont au pouvoir
Le faucon est exilé
Le reniement détruit l’amitié.

J’ai juré que de Tizi-Ouzou
Jusqu’à Akfadou
Nul ne me fera subir sa loi.

Nous nous briserons mais sans plier :
Plutôt être maudit
Quand les chefs sont des maquereaux.

L’exil est inscrit au front :
Je préfère quitter le pays
Que d’être humilié parmi ces pourceaux.

Si ma raison n’était pas égarée
J’aurais condamné le kif
Dont profitent les gens indignes.

Il est source d’inégalité
Il a enrichi l’esclave
Le sage est resté en arrière.

O mon dieu quelle injustice !
La toléreras-tu encore ?

source


Si Mohand  ou M’hand, un poète universel
Si Mohand Ou M’hand la légende. Ceux qui sont imprégnés par les vers de Si Mohand ,les amoureux des Isfra, paroles "de mystère et de création "ont pu assister à la rencontre initiée par le Café littéraire sur le chantre par M Boukhalfa Bitam assisté de Youcef Merahi .

Mohand sera marqué par les bouleversements subis autant par la Kabylie de ce 19e siècle , que  la société algérienne de l’époque  et par sa famille  le déplacement des membres de sa famille, la déportation de certains d’entre eux, l’exil vers la Tunisie .

La parole poétique devient inépuisable, elle prend sa source "dans l’intérieur profond" de l’être blessé par un destin cruel .

"El Ouâd", le sort la prédestination et la mauvaise étoile reviennent souvent dans les mots du poète. La consolation vient par le verbe signale M Bitam. Pour expurger un vécu issu d’une période historique qui a  marqué la Kabylie du Djurdjura.

Il y a alors bouleversement  identitaire, errance et cheminement au hasard de ses déplacements. Des périples prolixes si forts pour sa vocation. Marginal et contestataire, "sans épouse, sans foyer "Si Mohand ", l’enfant d’un naufrage" va jusqu’à blasphémer, proférer contre Dieu  Même si l’on perçoit et l’on remarque dans ses poèmes une place privilégiée de la religion et le culte des saints. Lui même lettré en arabe, parce que  élève de zaouïa, il a une bonne connaissance du Coran et des versets coraniques .

Si Mohand, nous explique M Bitam est un barde qui puise "dans la mémoire et le souvenir" .

"Il est le poète algérien et  universel". Son oralité lyrique belle et sensible a survécu à l’oubli dès lors que ses vers continuent de faire des adeptes.  Bien que  nous déclare M. Bitam "3/4 des neuvains  de Si Mohand se sont perdus "

Si Mohand l’inépuisable, qui vagabonda 30 ans durant , mourut à l’âge de 46 ans en 1906, bien que nombre d’attestations  indiquent qu’il s’est éteint à plus de 60 ans. Il laisse une œuvre qui est transcrite, diffusée restituée et marquée par le génie. Le mythe Si mohand Ou M’hend suscitera toujours un engouement et inspirera nombre d’entre nous

Leïla N.

source



Voici quatre poèmes de Si Mohend Ou M'hend du recueil"les poèmes de Si Mohend" Mouloud feraoun ,textes bilingues , éditions minuits..avec une biographie du poète ..

  Ceci est mon poème;
  Plaise à Dieu qu'il soit beau
  Et se répande partout.

  Qui l'entendra l'écrira,
  Ne le lâchera plus
  Et le sage m'approuvera :

  Que Dieu leur inspire pitié;
  Lui seul peut nous en préserver :
  Qu'elles nous oublient, nous n'avons plus rien !
 
  *****
 
  Ce siècle fait fuir
  Qui a enrichi les chiens
  Vous êtes brisés, ô nobles coeurs !

  Je dois aux méchants mes cheveux blancs,
  Ma raison m'a abandonné,
  Je suis "le fils dépravé".

  Il faut donc me résigner
  Puisque le lâche se fait craindre
  Tant pis, ô mon âme, tant pis !

  *****

  Les règles sont désormais perverties,
  C'est ainsi établi
  Les vils ont pris le dessus.

  Tous les hommes bien nés
  Ont pris la forêt
  Bravant les affres de l'adversité

  Dieu a ainsi destiné ce siècle
  Qui nous enserre dans l'inquiétude
  Jusqu'à trébucher à chaque pas.
 
  ****
 
  Toi l'intelligent,
  Ne sois jamais
  De la compagnie de l'homme hautain
   
  Si tu lui fais appel
  Il ira crier sur tous les toits
  Et te méprisera à outrance

  Alors, sois humble
  Eloigne-toi de lui
  Apprends à oublier même le paradis lorsqu'il te rejette

****

Biographie

Si Mohand Ou M'Hand Ath Hammadouche est né vers 1845 et est mort en 1906 (d'après Boulifa). Si la date de sa mort semble établie, celle de sa naissance est approximative. En effet, l'Etat Civil en Kabylie n'a pas eu d'existence officielle avant 1891. Il naquit donc dans l'ancien village de Chéraïouia où son père Mehand Améziane Ou Hammadouche, originaire de Aguemoun, s'était réfugié pour échapper à une vendetta. Après 1857, le village de  Chéraïouia fut rasé et à son emplacement fut édifiée la citadelle de Fort-National (Larbaâ Nath Irathen). L'autorité militaire attribua aux habitants un terrain à 10 Km au nord, près de Tizi-Rached, qui appartenait à une zaouïa.
En fait, la population s'est répartie, pour une faible part sur ce terrain où naquit la nouvelle Chéraïouia, mais pour la plupart aux alentours de Fort-National.
Les parents de Si Mohand s'installèrent à Akbou, au lieu-dit Sidi-Khelifa. Son oncle paternel, Cheikh Arezki Ou Hammadouche, maître en droit musulman y avait ouvert une zaouïa où un taleb enseignait le Coran, non seulement aux enfants de la famille mais aussi à tous ceux du village. C'est là que Si Mohand commença ses études avant de rejoindre l'importante zaouïa de Sidi Abderrahmane Illoulen (Michelet). La famille était aisée et l'enfance de Si Mohand heureuse.
En 1871, lors de l'insurrection, la famille s'est engagée aux côtés de Cheikh El Mokrani contre la colonisation de la Kabylie. Le père, Mehand Améziane fut exécuté à Fort-National, l'oncle Arezki déporté en Nouvelle-Calédonie et leurs biens confisqués au profit de l'Etat. La famille ruinée et anéantie se dispersa, la mère se retira dans la nouvelle Chéraïouia avec son jeune fils Méziane et là commença la vie de vagabond de Si Mohand, errant de ville en ville. Son frère aîné Akli s'enfuit à Tunis avec l'essentiel des ressources de la famille.
Si Mohand passa quelque 30 ans d'errance entre la Kabylie et la région de Bône (Annaba) où de nombreux Kabyles travaillaient comme ouvriers agricoles ou comme mineurs. Un autre de ses oncles, Hend N'Aït Saïd , était d'ailleurs installé dans les faubourgs de Bône.
Si Mohand mourrut en 1906 à l'hôpital des Soeurs Blanches de Michelet et fut enterré au sanctuaire de Sidi Saïd Ou Taleb.

Source


Cinéma
Si Mohand la légende

Après la  cinémathèque d’ Alger, c’est au tour de la salle El Mouggar de projeter le film sur la vie de Si Mohand  U M’hand. Un long métrage dédié au poète qui a durant une grande partie de sa vie, jusqu’à sa mort, utilisé le langage poétique comme arme vivante contre la colonisation, la misère des populations et ses désillusions  amoureuses.

Avec son bâton de pèlerin  il a sillonné les routes apportant ses mots, ses expressions  et ses odes qu’il nous laisse en legs . Qui n’a jamais entendu parler du personnage déconcertant et émouvant qu’a été Si Mohand "Amokrane ne chouaara" comme le dit simplement la chanson ?

Pour les bien-pensants, il était le marginal et l’anticonformiste, pour les bardes comme lui ou  les amoureux  du verbe universel à la dimension poétique éternelle, il était  et il reste toujours celui qui a su transfigurer la misère, aimé l’amour et les femmes, fustigé l’ordre colonial .

Il demeurera jusqu’à son dernier jour l’étranger, le rebelle, dont  les vers sortis des  tréfonds de son être continuent  d’être récités  et déclamés.

Le personnage interprété par deux acteurs à savoir  Fodil Hamla  pour la partie "jeunesse" de Si Mohand et Dahmane Aidrous concernant le poète dans la force de l’âge  n’ont pas démérité  dans le jeu. Autant l’un que l’autre, ils ont interprété  surtout le côté de l’exil intérieur  de l’homme, sa difficulté   à  s’intégrer dans l’ordre établi des choses. 

Pourtant la présence intense de Si Mohand pour illustrer la jeunesse se remarque dans la deuxième partie du film. Dahmane Aidrous incarne si bien à travers cette physionomie hirsute qui dit  l’errance, la perte des repères et  cette marginalisation des gens "du voyage". Parce que Si Mohand était un bohémien  doublé d’un damné  qui s’accommodait de sa vie de "hchaïchi". Un chemin de vie de trente années ayant laissé une œuvre poétique dont on ne se lassera jamais. Ainsi en est-il de la légende Si Mohand U M’Hand.

Hadjira Oubachir et Larbi Zekkal  ont interprété les parents  respectifs du héros alors que Djamila Amzal  celui de la belle-mère. Le décor, les images, les sites sont porteurs de beauté, autant que les couleurs et costumes traditionnels.

La scène où l’on voit Si Mohand se diriger seul, vers quelque part, des lointains, son bâton de pénitent comme compagnon et le burnous  comme habit protecteur est une séquence presque sublime. Le fond musical y ajoute à la force de cette séquence.   L’atmosphère même, qui émane de ce long métrage,  reflète le côté fabuleux  des dits que l’aède a su insuffler à une œuvre  rendue éternelle par l’héritage oral.

Toutefois, le spectateur reste sur sa faim. Le film n’a pas tout révélé, nous semble-t-il, tant il vrai que la personnalité de Si Mohand est immense, sans fin. L’ange qui lui apparaît un jour dans sa jeunesse  pour l’exhorter  à versifier était le signe du destin légendaire de ce poète

Leïla N.

Source


Voici trois passages(avec deux poèmes) d'un article sur la poèsie kabyle 

I)
Poésie de la guerre et de l'amour - La Poésie Kabyle : Les plus anciennes transcrïptions de poèmes kabyles en caractères latins remontent au début du siècle dernier, à 1829 plus exactement, et sont dues à l'Américain W. Hodgson. Elles font partie de sa Collection of Berber Songs and Tales, dont le manuscrit original se trouve à la bibliothèque de la Société asiatique de Paris.

Ce n'est que trente-huit ans plus tard, en 1867, qu'Adolphe Hanoteau, alors colonel commandant la place de Fort-l'Empereur, publiait ses Poésies populaires de la Kabylie du Djurdjura, texte et traduction. En 1899, J. D. Luciani faisait paraître un recueil de poèmes historiques d'Ismaïl Azikkiou. Enfin, en 1904, et pour la première fois semble-t-il, un Kabyle, Si Amar ou Saïd dit Boulifa, offrait au public un Recueil de poésies kabyles qui allait devenir le livre de poésie par excellence, à cause sans doute de la place faite au plus grand poète kabyle connu, Si Mohand ou M'Hand, mort en 1906..
....
II)
Le soulèvement de 1871 en particulier inspira de nombreux poètes, notamment Ismaïl Azikkiou, mort à la fin du siècle dernier. Dans les vers qui suivent, il décrit un peuple vaincu, écrasé, désemparé, une société dépossédée de tous ses biens, menacée de désagrégation, ses hommes ayant renoncé, au nom d'un sauve-qui-peut flétri par le poète, à la tradition de l'assistance mutuelle et de la fraternité :

Ils ont semé la haine dans les villages ;
Nous l'avons engrangée, et il en reste encore ;
C'est comme l'abondante récolte d'un champ fraîchement incendié.
Quand l'impôt de guerre nous affola,
Nous jetâmes tout sur l'aire à battre,
Chacun renia son propre frère.
Le mauvais sujet eut la préférence ;
Le noble fut humilié.
Chaque jour apportait son lot de soucis ;
Mais personne ne s'ouvrait à personne.
Et pourtant les malheurs fondaient de toutes parts.
Terrible fut l'année 1871
Annoncée par le Livre [sacré] :
La justice s'évanouit ainsi que la vérité.
.....
III)
Si Mohand, vieilli, atteint d'un mal incurable qui serait l'impuissance, saisi de remords, trouve des accents émouvants pour résumer en neuf vers toute sa vie passée et présente :

Mon cour se couvre de nuages,
De larmes il déborde
Au souvenir de mes épreuves.
Ma confession fait trembler les montagnes
Et rouvre les plaies de mon cour.
J'ai tout consacré aux plaisirs des filles,
Et, marqué au sceau d'un destin funeste,
Je n'eus point de chance.
Ah ! vivre seulement un jour de bonheur

Source


"Tati Batata", ou la vision critique de Si Moh
Une analyse de Amar Ameziane 

A la fin du mois d’août 2003, Si Moh nous a, encore une fois, gratifiés d’un nouvel album, Tati Batata. Ce dernier est, comme à l’accoutumée, mal médiatisé. La saison estivale oblige, c’est le non-stop - nouveau genre musical ? - qui l’emporte. Rappelons-nous, le premier album de Si Moh a mis trois ans, si ce n’est pas plus, pour que les gens le découvrent et le qualifient de chef-d’œuvre.
Tati Batata est composé de sept chansons : Ad’ebbel, Tati-Batata, Cubaγ-kem, A win i d-ir’uh’en, Tinat, Matchi wi ibedden, Matchi d nekkini. Sur la jaquette de l’album, comme d’habitude, il n’y a pas de photo de Si Moh. C’est son image intérieure, nous semble-t-il au fil des albums, qu’il préfère nous dévoiler, non pas son image extérieure. Et c’est tant mieux pour ses auditeurs car celle qui transparaît dans le texte ne peut être que vraie. A la place de la photo, nous avons droit à un tableau ; l’œuvre de Hettal probablement, qui suggère le climat de liesse qui constitue le thème de la chanson Ad’ebbel.

Au fil des albums de Si Moh (il en est à son septième), nous découvrons que l’ironie est un mode d’expression de prédilection pour lui. Le texte Ad’ebbel est écrit dans ce mode. Il met en scène un personnage qui a trouvé une idée géniale : celle de faire de ses enfants des joueurs de tambour, métier incarné jadis par celui qui est appelé Budjlima. Il ne reste désormais que le souvenir de ce personnage qu’on avait plaisir de voir arriver dans les villages kabyles et amuser les villageois. Accompagné de ses enfants, Budjlima traîne derrière lui les foules d’enfants qu’il amuse avec des airs fabriqués au rythme du tambour et de cornemuse. Cette pratique, vraie institution dirions-nous, au caractère carnavalesque, puisque tous les sexes de tous âges se joignent à la foule, était un prétexte pour le personnage de prendre sa part des récoltes villageoises. Il arrivait généralement à la fin des récoltes et les villageois kabyles n’étaient pas radins. Toutefois, précisons que ce métier était méprisé et était, donc, pratiqué par une caste sociale bien très restreinte, les iklan en l’occurrence.

Dans son texte, Si Moh réactualise le personnage de Budjlima pour l’insérer dans le contexte contemporain où le chant accompagné de la danse est à la mode. La chanson kabyle traverse une crise telle que le tout nouveau ‘genre’ dit ‘non-stop’ est promu au rang de modèle. C’est dire que le projet de folklorisation a bel et bien réussi.

Aγrum ma yeshel i tiwwin
Uh’ric ayla-s dayem illa
Lh’ut a tarwa γef tudrin
Kkatet tt’bel d lγid’a
Icett’ah’en d tcett’ah’in
Ulac anda ur zdiγen ara
Si lebεid m’a kwen-id-walin
Fer’h’en s tt’bel ataya

Cette strophe constitue la clef à l’attitude ironique de l’auteur. Si la chanson constitue de nos jours le pôle d’attraction de la jeunesse, c’est parce que la réalité leur montre que beaucoup de chanteurs sans talent sont promus, sous la bénédiction de quelques éditeurs qui, souci de gain oblige, préfèrent publier des albums de type folklorique (encore faut-il définir ce qualificatif) que d’encourager des valeurs sures. Il est vrai que dans une société où les valeurs sont inversées et où les gens au goût raffiné se font de plus en plus rares, il est tout à fait courant que des chef-d’œuvres mettent des années pour être découverts.

Tati Batata est un texte de chanson qui aborde le thème de l’échec de la classe politique. L’expression tati batata connue dans toutes les langues est utilisée pour qualifier un discours creux, sans consistance. C’est l’expression que l’auteur du texte, porte parole de sa société, utilise pour décrire le discours des hommes politiques qui au tout début de leur parcours promettent monts et merveilles à leurs électeurs, mais finissent tous par prendre le camp des loups et oublient leurs promesses.

Kul yiwen akken i tt-yettqissi
Iwakken ad d-yerbeh’ lγaci
Ad yetnaεniε fell-asen
Wa d uccen wa d inisi
Kif kif Louher a Qasi
Ifen Djehh’ akken h’ercen

Le passage ci-dessus est explicite. Qu’ils soient hommes ou femmes, c’est pareil : ils ont tous soif de pouvoir. Si Moh fait, ici, allusion à la fable du chacal et du hérisson, bien connue en Kabylie. Si le chacal est réputé pour sa ruse, il a trouvé en le hérisson un être plus rusé que lui. La juxtaposition, au niveau du vers, du chacal et du hérisson signifie que les hommes politiques sont tous rusés quand il s’agit de rechercher leurs intérêt mais pas ceux des gens qu’ils sont sensés représenter.

Ghur-sen tazzla γef ukersi
Iwumi qqaren ‘démocratie’
Nekkwni nγil dayen nnid’en

La ‘démocratie’ dont ils parlent tant au début de leur parcours n’est, en fin de compte, que la course pour le pouvoir.

A win i d-iruh’en traduit l’immobilisme qui frappe chaque jour un peu plus notre société. Déçue par les gouverneurs successifs, elle a fini par sombrer dans un désenchantement total. Dans le texte de Si Moh, le rejet est constant à l’égard de celui qui arrive (au sens de celui qui veut apporter un changement). Qu’il soit messager de la paix, du pardon ou de l’espoir sa place n’est pas parmi nous.

A wagi d-iruh’en
Dacu i daγ-d-tewwid’ akk
a Ma d lehna n wulawen
Matchi d ayagi i nebγa
Ma d ssmah’ d usirem
Ghas nneqlab tuγaled’
Nekwni ur neh’wadj ara

Avec Matchi wi ibedden, Si Moh aborde un thème ô combien philosophique : la vision de la vie. Selon lui, celle-ci est multiple et se doit de l’être. Ainsi, les jours de semaine sont-ils pareils ? Sans doute non. Si la vision est multiple, les destins le sont également. Chacun a sa propre récolte de la journée. Il en est de même des savoirs : il y a des savoirs qui édifient et des savoirs qui détruisent. Il y a des gens qui cherchent du savoir pour s’instruire et d’autres juste pour gagner leur vie. Ces derniers sont plus nombreux.

Avec le texte de la chanson Tinnat, Si Moh nous entraîne dans un voyage en quête d’un personnage dont il ne dit rien. Si nous savons que ce personnage est féminin, nous ignorons s’il s’agit d’une femme ou d’autre chose. De village en village, de souk en souk, de ville en ville, la quête d’un idéal au féminin est constante. Chaque auditeur peut donner le signifié qu’il veut à ce signifiant mystérieux de Tinnat. Si Moh donne, ainsi, une dimension plurielle à son texte. Si Moh fait-il allusion à l’errance que nous savons caractéristique de nos poètes tels Si Mohand ou Mohand Ouyidir ? Nous ne pouvons le vérifier.

Dans ce nouvel album, l’influence de la poésie de Cheikh Mohand sur le poète Si Moh est très perceptible. Nous l’avons déjà remarqué dans le précédent album. A yat zzman Ifuten est un texte qui fait état de la perte des valeurs traditionnelles. Le poète convoque les gens d’antan les invitant à constater le désordre dans lequel se retrouvent les valeurs qu’ils ont mis tant d’ardeur pour léguer. Le thème de l’ordre ancien qui s’effrite et que Cheikh Mohand et Si Mohand ont traité dans leurs poésies est repris ici par Si Moh. Si dans le premier cas l’effritement est causé par l’avènement de la colonisation française qui a renversé un système socio-économique auquel elle a substitué un autre d’une autre nature, dans le texte de Si Moh l’effritement est causé par une modernité que les sociétés post-coloniales, comme la notre, ont pris ‘à la lettre’ sans qu’il y ait eu au préalable un effort de réflexion sur son adaptabilité au nouveau contexte.

Si Moh aborde avec Matchi d nek le thème de prédilection de Cheikh Mohand : la providence (ou le destin). La poésie de Cheikh Mohand est un rappel constant de l’omnipotence de Dieu. C’est à lui seul que revient le dernier mot.

Wi ittagwaden yiwen
Ur yettagwad ula yiwen
Ama deg ukessar ama deg usawen
Sanda yerra ad t-iεiwen
Ma d win yefkan rr’ay i yigawawen
Gher zdat a s-gen imezzuγen
Gher déffir a s-gen acciwen (1)

Dans ce passage, Cheikh Mohand invite à soumettre sa destinée à la volonté divine au lieu de chercher secours chez ses semblables qui, souvent, sont la source de déboires. Si Moh réactualise ce thème pour traiter de la condition de l’homme de notre temps.

Am yifer yennd’en di cckal
Ad’ar di llazuq yesni
Ghas yesεa ldjehd issawal
Ma ad inaqel neγ ad yali
Lqefs i s-heggan d uzzal
Tarewla ula anda sani
H’ess-d ad ak-iniγ awal
D Rebbi i iferrun timsal
Tixer matchi d nekkini

L’homme de notre temps est prisonnier de sa condition : mains et pieds noués (sans l’être vraiment), il a beau crier au secours, qui va répondre ? Tel l’oiseau pris au piège de glu, ensuite placé dans une cage en fer, comment peut-il se sauver ? On le sait bien, l’homme du XXIème siècle est prisonnier des barrières psychologiques dressées ça et là par des gens à l’affût et qui décident du cours à donner au monde. Dans pareil cas, existe t-il autre solution que celle de soumettre son sort à la volonté divine ?

La part réservée à l’amour dans le dernier album de Si Moh est très mince. Une seule chanson intitulée Cubaγ-kem. On a beau dire que Si Moh s’éloigne de plus en plus de la thématique de l’amour, il reste néanmoins un chanteur de l’amour. Le texte retrace de manière très poétique le parcours amoureux, allant du premier regard aux premiers battements du cœur. C’est l’itinéraire de deux êtres qui se sont retrouvés sans se chercher ou peut être se cherchaient-ils sans le savoir. Certaines routes se croisent sans s’y attendre. Et l’amour fait le reste.

Hubaγ-kem thubad’-iyi
Mebla ma nhuba
Di sin nhuba tayri
La γ-tessewh’ac
Cubaγ-kem tcubad’-iy
i Di sin nemcuba
S kra n win tezza tayri
Yecba γur-neγ

A travers ce survol, plus du côté du thème que de la forme, du dernier album de Si Moh, nous avons voulu introduire la rentrée musicale. Nous espérons que le Non-Stop laissera désormais la place à un autre type de chanson : celle qui fait plaisir à l’oreille, certes, mais qui donne aussi à réfléchir. Celle de Si Moh, par exemple.

Amar Ameziane

Source


Autres liens:

Si Mohand Ou M'Hand

SI MOHAND OU M’HAND OU UN PÈLERINAGE DANS LE TEMPS

pdf

Si Mohand U M’hand, le résistant errant

forum Algérie Si M’hand u M’hand.

Si Mohand Ou Mhand (mis en ligne le samedi 4 octobre 2003)

Exclusif - Si Mohand , Crépuscule de Printemps

L'insoumis (film)

un article italien sur Si Mohand

Un autre mohand: le poète SLIMANE AZEM

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