Compte rendu d'une conférence: Histoire de la Kabylie de l’antiquité à nos jours : quelques repères

Animée par deux universitaires, Mme Malha Benbrahim, historienne, et M. Kamal Nait Zerrad, linguiste, cette conférence initiée par le Cercle d’Etudes et de Recherche sur l’Autonomie de la Kabylie ( CERAK) a porté sur un sujet ( l’histoire de la Kabylie ) qui constitue une des problématiques de réflexion essentielles du C.E.R.A.K. : le processus d’émergence de la Kabylie en tant qu’entité sociohistorique, culturelle et politique dans l’ensemble algérien. Dans cette perspective, les deux conférenciers ont apporté quelques éléments d’éclairage à cette question, articulés selon la périodisation suivante : l’Antiquité, le Moyen- Age et les temps modernes et contemporains.

• Abordant la période antique, M.K.Nait Zerrad, souligne que si l’entité kabyle ( et le mot qui la désignait :la Kabylie) telle qu’elle est perçue de nos jours, n’existait pas dans l’antiquité, il est possible, néanmoins, de relever quelques faits et caractères de préfiguration de cette entité. De façon très schématique, ces faits et caractères de préfiguration sont :
  - Un peuplement ancien : l’espace géographique qui recouvre la kabylie actuelle est peuplé depuis la haute antiquité. Selon la thèse capsienne, ce peuplement remonterait à environ 9000 ans et serait d’origine moyen orientale. Cette thèse est récemment remise en cause par S. Hachi et les chercheurs du Cneh (ancien crape) d’Alger. Se basant sur des fouilles effectuées dans la région de Bgayet en Kabylie orientale, S.Hachi et son équipe ont montré que ce peuplement est plus ancien (il date d’au moins 15000 ans) et autochtone.
  - Une organisation sociopolitique sous forme d’une confédération de tribus (les Quin quégentiens) signalée par les auteurs romains à partir du 3ème siècle.
  - Apparition d’une puissante et influente famille (les Nubel), qui a dominé l’espace "kabyle" durant le 4ème siècle. Elle a, notamment, résisté à la main mise des Romains (révolte de Firmus et sa sœur Kyria et celle de son frère Gildon).
• Traitant des périodes médiévale, moderne et contemporaine, Mme M.Benbrahim a commencé par faire remarquer que si la Kabylie en tant qu’entité culturelle est aujourd’hui est plus ou moins admise, ce n’est pas le cas de sa dimension politique qui reste largement taboue. Pourtant, la Kabylie s’est affirmée politiquement, selon différentes manifestations, depuis le Moyen-Age; c’est ce que M.Benbrahim a mis en avant à travers la présentation de quelques acteurs et faits pertinents.
  - Moyen-Age : Apparition d’une puissante tribu berbère, les Kotamas, (selon la terminologie d’Ibn Khaldoun) qui a exercé une grande influence de Constantine jusqu’à Bougie à l’ouest et les Aures au sud.. Cette tribu s’était alliée aux Fatimides contre le pouvoir de Bagdad au 10ème siècle. Entre le 11ème et le 14ème siècle, Bougie s’est affirmée comme grand pôle économique et culturel (la dynastie hammadite y a installé sa capitale), tandis que la Kabylie des montagnes n’est apparue dans l’histoire médiévale qu’à la lumière des ses relations avec la plaine et les villes. Cette dernière n’existe réellement, selon la conférencière, en tant qu’entité politique qu’à partir du 16ème siècle.
  - Epoque moderne : en raison de l’occupation de Bgayet par les Espagnols entre 1510 et 1555 et l’arrivée des Ottomans à Alger, l’autorité politique autochtone quitte le littoral pour la montagne. C’est alors que s’imposent deux groupes politiques en Kabylie: Les Ait El Kadi dans la Kabylie occidentale et les Ait Abbas dans la Kabylie orientale. (les historiens parlent de dynasties ou de royaumes de Koukou et des Beni Abbes).
  - Epoque contemporaine: La colonisation française n’a véritablement mis en place son système politco-administratif en kabylie qu’à la suite de l’insurrection de 1871. De 1844 à 1871 les institutions sociopolitiques traditionnelles kabyles ont été (relativement) sauvegardées (occupation sans conquête); elles seront détruites dans la répression qui a suivi la révolte de 1871.
  - De 1871 à 1930, on assiste à l’émergence d’une élite culturelle kabyle (des lettrés issus des premières écoles françaises) en quête d’une sorte de renaissance identitaire et civilisationnelle (berbérité).
  - Au sein du mouvement national (dans les années 1930-1950) est apparue une revendication autour de la définition de la nation algérienne; dans ce cadre nationaliste se sont affirmées les notions de démocratie kabyle, d’Algérie algérienne et surtout de langue berbère.

(Saïd Doumane)