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Zighcult
29 décembre 2006

Hommage à Mohamed HAROUN

HAROUN Mohamed est décédé le 22 mai dernier, suite à un arrêt cardiaque. Un hommage lui est rendu dans ABC Amazigh n°3 dont voici Le mot de M. O. MEDJEBER:

Que de souffrances, que de larmes, que de tortures que d’humiliations, que de mépris que de privations, que de sacrifices, que d'incompréhensions, il aurait fallu subir, pour qu'aujourd'hui l'on puisse dire, écrire sur un mur, sur un papier, sur un tableau, sur une banderole, sur un décret présidentiel, sur une constitution: le mot AMAZIGH.

Un mot! Un mot qui faisait peur! Un mot qui faisait trembler la toute-puissance Etatique.

Jamais, sans doute, dans l'Histoire de l'Humanité, un mot n’a été aussi chargé de symboles, de sens et n'inspirait autant de craintes. Un mot-clef...

Un mot parce que signifiant "Homme libre "; parce que synonyme de " Liberté ", de " Droits de l'Homme "; parce que véhiculant des valeurs ancestrales, des traditions multi-milénaires de Démocratie, de Justice, d'Honneur, de Dignité, de Grandeur, de Respect, de Patriotisme: ce mot-là était honni, tabou, frappé d'interdit d'écriture et même de simple chuchotement.

" ... L'Algérien était ankylosé puis momifié dans des textes qui lui interdisaient même jusqu’au moindre murmure. La toute-Puissance Etatique et l'appareil politique réfléchissaient pour lui, veillaient sur lui et géraient même jusqu’à son intimité... " (in Algérie-Actualité, hebdomadaire national, N° 1120 du 2 au 8/4/87).

Mouloud Mammeri en savait quelque chose: lui qui vit publier l'un de ses rares communiqués culturels, par le quotidien national " El-Moudjahid " dans la rubrique NECROLOGIE entre deux avis de décès, en 1972.

Une injure grave faite à celui qui rédigea un rapport, à l'adresse de l'ONU, en faveur de la décolonisation de l'Algérie, durant la guerre de libération.

Mohamed Haroun en savait quelque chose: lui qui préféra ne pas recevoir les visites familiales, plutôt que de se soumettre au diktat de l’Administration du sinistre pénitencier de Lambése qui lui refusait de parler en tamazight avec sa famille. Faire plus de 1200 km et se voir interdire de parler dix minutes en tamazight !

Ces dix minutes qui coûtèrent jusqu’à la vie à Madame Haroun née à Aït-Bessai Zahoua, valeureuse mère (*) de Mohamed Haroun, ancienne maquisard veuve, de son vivant d'un officier de l'Armée de Libération Nationale.

Ces exemples de répression linguistique et culturelle sont innombrables. A l'instar de celle vécue en 1988 par cet enseignant d'histoire qui se fit rappeler à l’ordre par son inspecteur " pédagogique " en voulant " corriger " le titre du programme d'étude: " La civilisation amazighe ancienne " au lieu et place de " La civilisation maghrébine ancienne " anachronique.

Ils se trouvent encore des gens qui persistent aujourd'hui à dire "Non à la constitutionnalisation de tamazight " parce que, disent-ils, cela " risquerait de provoquer des cassures ethniques ", suggérant un conflit ethnique, lequel conflit n’existe que dans leur imagination. A l'instar de ces fantômes de notre enfance avec lesquels nos bonnes vieilles grands-mères nous faisaient peur, pour nous obliger à rester tranquilles, à obéir.

L'Histoire le montre: le combat de Mouloud Mammeri et de Mohamed Haroun est juste.

Le soulèvement populaire d'avril 1980, les marches grandioses du M.C.B. et le boycott scolaire et universitaire le prouvent: il y a des milliers, des millions de Mammeri et de Haroun. Que de choses passées, de chemin parcouru, du temps où l'on n’était qu’un groupuscule, du temps où l'on nous raillait même!

Après avoir, non sans peine, grâce à tous ceux et à toutes celles qui ont donné de leur temps, de leurs larmes, de leur sacrifice, de leur argent, de leurs souffrances - et Mohamed Haroun en était l'un des Martyrs - brisé le tabou qui frappait tamazight et l'amazighité, il nous reste à restaurer cette " belle langue " comme l'appelait Mohamed Haroun, jusqu’à lui rendre toute sa beauté et tous ses droits.

Indéniablement, le meilleur hommage que l'on puisse rendre à Mouloud MAMMERI l'intellectuel impénitent qui préféra la culture du peuple à la culture de salons d'une part, et d'autre part, à Mohamed HAROUN, l'intellectuel révolté qui préféra la résistance à l’oppression plutôt qu’une brillante carrière universitaire, c’est de continuer leur oeuvre inachevée.

M. O. MEDJEBER in Amazigh Bulletin de Communication n°3
(*) Décédée dans un accident de la circulation en rendant visite à son fils détenu à Lambese.

source

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Mohamed dans l’état civil, Masin dans la vie. Voici le prénom que Haroun avait choisi de son vivant pour signer ses œuvres.

Masin U’Harun est ce militant qui a défié le régime de Boumediène. Il n’a pas hésité à plastifier des édifices représentant le régime algérien : symboles de l’injustice et de la répression.

La légèreté et le manque de fiabilité de certains des organisateurs de l’opération ont fait que les services de renseignements algériens (S.M.) ont déjoué l’opération et ont arrêté l’essentiel de ses auteurs. Ainsi, Masin U’Harun a eu à subir les pires des tortures des bourreaux de la prison de Lambèse (Tazoult). Onze années et demi de galère, de souffrance mais aussi autant d’années de travail au service de Tamazight. Masin s’est mis à composer des poèmes, à faire des recherches sur la langue berbère. Autant dire qu’il n’avait pas perdu son temps en prison !

Le Kabyle de Paris lui rend un hommage dans son 6ème numéro à travers un article, signé par Kamel Zirem, que nous vous suggérons à la lecture.

Hommage

Un film sur Mohamed Haroun

L’association culturelle Sidi Hend Awanou de Larbaâ Nath Irathen est en train de réaliser un film-documentaire sur le militant de la première heure de la cause amazigh : Mohamed Haroun. Ce projet verra le jour grâce à la collaboration des compagnons de Haroun et à l’association culturelle Tara de Tifrit, village natal de Mohamed.

Tizi-Ouzou et Akbou se rencontrent donc pour immortaliser à travers l’image celui qui a sacrifié toute sa vie pour que vivent la langue et la culture Amazighes. Mohamed Haroun est né le 13 avril 1949 à Tifrit, à trois kilomètres d’Akbou dans la wilaya de Bejaia. Fils de chahid (son père était officier de l’A.L.N. et connu sous le nom de guerre sergent Tahar), Mohamed a commencé ses études à 11 ans dans un camp militaire français. En 1963, il a rejoint le centre d’enfants de chouhada de Bir-Lahrache à El-Eulma.

Brillant élève, il fera trois classes en une seule année C.M.1, C.M.2 et fin d’études. Puis il sera orienté vers le collège d’enseignement technique d’El-E ulma. En 1967, il s’inscrit au C.N.E.T. de Sidi-Aich pour préparer un C.A.P. d’ajusteur. Après un concours, il sera admis au lycée technique de Dellys où il obtiendra le bac technique.

Par la suite, il s’inscrit à la faculté centrale d’Alger en sciences exactes. Parallèlement, il étudiait l’astronomie à l’observatoire de Bouzareah. En plus de ses études, Haroun faisait de la recherche sur la langue tamazight et il était en contact avec Mouloud Mammeri. Haroun a participé à la création de la première revue en tamazight Itij (le soleil). Par la suite, il a approfondi ses recherches dans la grammaire berbère et les règles de calcul. Haroun a été avec Mammeri chez les Touaregs et les Mozabites. Il envisageait de faire un dictionnaire. Haroun faisait également de la peinture. Tout cela a été interrompu après son arrestation le 5 janvier 1976 dans l’affaire des "poseurs de bombes" qui a défrayé la chronique. Il a fait partie du groupe de l’O.F.B. (l’organisation des forces berbère). Après onze ans et demi passés à la prison de Lambèze, Haroun a été libéré le 5 juillet 1987. Il participa activement à la réussite du 2e séminaire du M.C.B. en juillet 1989 à Tizi-Ouzou. Ce chercheur a vécu sans emploi, sans aucune ressource et c’était grâce à l’aide de ses amis qu’il avait fondé un foyer. En novembre 1994, Haroun avait un projet très ambitieux : fonder une association pour la création d’aune Académie berbère en Algérie.

Parmi les membres fondateurs qui ont adhéré au projet, on peut citer le réalisateur du premier film en tamazight Abderrahmane Bouguermouh, le chanteur Madjid Soula, moi même et d’autres amis. Les premières réunions ont eu lieu chez Bouguermouh et Haroun ne cessait de nous dire : "Les Berbères sont comme des abeilles sans ruches. Nous voulons créer cette Académie berbère ici en Algérie pour rassembler tous nos producteurs dans le domaine amazigh afin de leur donner un lieu pour le travail, la recherche et la production." Une copie de ce projet a été déposée au niveau de la wilaya de Bejaia et au ministère de l’intérieur à Alger.
Le projet n’a pas pu aboutir pour diverses raisons, entre autres, les blocages des pouvoirs publics... Ait-Amrane Mohand Ouidir a été également sollicité pour faire partie de ce projet. Il répondra par une lettre dans laquelle on pouvait lire : "Afin de ne pas galvauder le terme "Académie", je vous suggère, de donner à votre structure le simple nom "d’association culturelle" afin de laisser la dénomination pour une institution de haut niveau qui verra le jour très prochainement".

Ensuite, c’est le H.C.A. (le Haut commissariat à l’amazighité) qui était né. Voilà l’une des raisons du blocage de cette initiative libre d’Académie pour permettre à une institution rattachée à la présidence de la République de naître en l’occurrence le H.C.A. après une année de boycott scolaire (grève du cartable de 1994).

Pour revenir au film et selon Ali Mellal, secrétaire général de l’association Sidi-Hend Awanou : "ce film-documentaire va retracer la vie, l’œuvre et le combat de Haroun en donnant la parole à ses anciens compagnons de l’O.F.B., à sa femme, sa sœur, à des militants du M.C.B., des membres de l’association Tara de son village et à ses amis du projet de l’Académie. Tous les aspects seront abordés sans aucun tabou". Signalons que ce film sera finalisé le 22 mai 2003 à Tifrit.

Suite à une tumeur, Mohamed Haroun meurt le 22 mai 1996. Il laisse derrière lui une veuve et deux fillettes. Akkouche Ahcène, un des compagnons de Haroun résume le combat de ce monument : "C’est quelqu’un de simple et de bon. Il a refusé toute compromission. C’est quelqu’un de digne."

L’association Tara compte lancer un grand prix Mohamed Haroun pour le 5 juillet 2003. Ce prix sera ouvert à tous les poètes et poétesses pour que nul n’oublie.

Kamel ZIREM

Article publié avec l’autorisation de l’hebdomadaire "Le Kabyle de Paris"

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Rappel:

25 décembre 1975 : une machination orchestrée par la police politique (affaire des bombes d'El Moudjahid) aboutira à l'arrestation d'opposants au pouvoir. Parmi eux se trouvaient Medjeber Mohamed Ousmaïl et Mohamed Haroun, fils de martyr de la guerre de libération. Ils seront accusés d'activités "berbéristes " et subiront les affres de la torture. Medjeber et Haroun seront condamnés le 4 mars 1976 par la Cours de sûreté de l'Etat (tribunal d'exception) respectivement à la peine capitale et à la réclusion perpétuelle. Ils seront incarcérés à la prison de Lambèse. Mohamed Haroun sera soumis à un "traitement psychiatrique ". Ils seront graciés en 1987 et 1988.

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