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Zighcult
3 juin 2007

La montagne du Djurdjura : Le site et le mythe

Mont Ferratus = Tigergert = Djerdjer

Djerdjer vogue dans les cieux,

Nous, nous le suivons des yeux.

Ne croyez pas qu’il s’est exilé ;

C’est le l’Ahaggar qui l’a hélé.

Le Chenoua trotte tel un perdreau

Vers l’Aurès où tous vont se rencontrer.

(Poème de Ben Mohamed chanté par Nouara)

La montagne du Djurdjura fait partie du grand ensemble du massif kabyle désigné par les Romains sous le nom de Mons Ferratus qui englobait aussi la chaîne des Bibans. La crête du Djurdjura, au sens stricto sensu de la géomorphologie, se déroule sur environ 70 Km de longueur, depuis les hauteurs de Lakhdaria/Draâ El Mizan jusqu’au massif de l’Akfadou où elle s’abaisse vers la mer.

Au sens du système montagneux alpin, de par sa géologie, ses altitudes et ses pentes, la croupe de la montagne occupe une longueur d’ouest en est de 50 Km et une largeur d’environ 9 Km.

La colonne vertébrale de la géomorphologie kabyle est, sans conteste, la chaîne du Djurdjura, repère par rapport auquel tout le reste est situé, positionné ou nommé.

Dans son roman ‘’La Terre et le sang’’, Mouloud Feraoun décrit cette crête comme un ‘’squelette de dinosaure’’. Ce tableau est particulièrement vrai quand on l’observe à partir des versants sud. La queue de ce ‘’reptile’’ serait la ligne allant en pente douce de Tizi Larbaâ à Tizi n’Djaâboub, ses ‘’vertèbres dorsales et lombaires’’ seraient les massifs de Haïzer et Lalla Khedidja, et sa tête se situerait à Azerou n-T’hor orientée vers le nord.

Dans l’imaginaire kabyle, le Djurdjura constitue un mythe, sans doute même un mythe fondateur. Il sert pour ses populations de citadelle et de refuge, de sécurité et d’obstacle, d’atout et de contrainte tout à la fois.

Sur le plan esthétique et poétique, la montagne est prise en charge par un ensemble de thèmes, de figures de style et d’allégories aussi beaux et aussi significatifs les uns que les autres.

Signe de la pureté et de la vaillance, des immaculées origines et de l’inviolabilité de l’historique intimité, la montagne signifie pour ses habitants la dignité et l’honneur préservés. ‘’Qui veut d’honneur se vêtir, qu’il monte à la montagne et mange le gland à cupule’’, recommande le chanteur Idir.

Elle est aussi le symbole de la résistance à l’oppression et à l’arbitraire. Blessé par balles par la gendarmerie en octobre1988, Matoub Lounès s’écrie ‘’S-adrar itwahha tmughli ma ikhelqed wajdid’’ (le regard se tourne vers la montagne s’il y a du nouveau).

Avant le grand réveil du Printemps berbère de 1980, le poète Aït Menguellet rêvait de ce sursaut salvateur en disant dans sa chanson Aâttar : ‘’J’ai rêvé, comme ce fut vrai, que j’ai assisté au réveil de la montagne’’.

Pour les exilés, elle constitue un lien et un cloison en même temps qui s’interpose entre le lieu d’exil et le pays natal. C’est Jean Amrouche qui hèle les montagnes dans ses ‘’Chants berbères de Kabylie’’ :

‘’Éboulez-vous montagnes

Qui des miens m’avez séparé.

Laissez à ma vue la voie libre

Pour le pays de mon père bien-aimé’’

Un écosystème particulier

La montagne du Djurdjura constitue un écosystème botanique, faunistique et climatique qui lui a valu des réflexions scientifiques depuis le 19e siècle pour son éventuelle classification en réserve de la nature. Les sites qui étaient les plus en vue sont Tikjda, Lalla Khedidja, Tala Guilef et la cédraie des Aït Ouabane. Pendant la colonisation, la zone de Tikjda a pu obtenir un statut spécial par rapport au reste du territoire, ce qui préfigurait déjà une ébauche de parc naturel.

Sur le plan réglementaire, c’est en 1983 que le massif du Djurdjura accéda au statut de Parc National (PND) sous la tutelle du Muséum national de la nature, réorganisé, par un décret datant du 9 février 1991, en Agence Nationale de la Nature (ANN) sous la tutelle de la Direction Générale des Forêts (DGF).

Un ancien technicien autrichien, Mustapha Muller, ami de la Révolution algérienne qui a longtemps exercé dans l’activité des parcs en Algérie, témoigne : ‘’Très rapidement après 1962, et avec tous les problèmes qu’il y avait, l’Algérie pensait à la création de ces parcs nationaux. Un des premiers accords que la jeune république avait conclus avec la Bulgarie était précisément un accord sur l’élaboration d’un pré-projet de recréation du Parc National du Djurdjura. 1983 était l’année de la légalisation de ces activités avec la promulgation du décret présidentiel portant ‘’statut-type des parcs nationaux’’. (…) Je vois le parc du Djurdjura en premier lieu dans un sens de préservation d’un ensemble d’écosystèmes extrêmement précieux qu’il faut ouvrir aux scientifiques et à un tourisme-nature. Pas n’importe quel tourisme. On ne va pas dans un parc qui a une faune et une flore rares pour se ‘’défouler’’ ! Certains parcs, comme le Djurdjura, pourront devenir des sources en devises fortes grâce à une clientèle étrangère qui viendrait voir, et en deux heures d’avion de l’Europe, une faune surprenante et en liberté’’.

La mission dévolue aux parcs nationaux se répartit en plusieurs actions, à savoir la préservation de la flore et de la faune et de leurs biotopes, la conservation des sites archéologiques, spéléologiques et géomorphologiques et le développement des activités de recherche scientifique et de vulgarisation. A cela s’ajoute les activités de développement rural particulièrement à la périphérie des zones délimitées puisque la majorité d’entre elles sont fortement habitées hormis le Hoggar- Tassili.

La défense de la biodiversité est inscrite actuellement comme l’une des priorités de la communauté internationale.

L’Algérie, signataire des textes relatifs à la biodiversité, compte 3.200 espèces botaniques dont 640 sont menacées de disparition comme le cyprès du Tassili, le sapin de Numidie et le pin noir.

La montagne du Djurdjura compte, dans l’état actuel de la recherche, 990 espèces de plantes dont 32 sont endémiques, 145 rares et 70 très rares.

Sur le plan faunistique, des espèces en voie de disparition trouvent dans la réserve du Djurdjura le refuge idéal pour leur préservation. Il en est ainsi de l’hyène rayée, la mangouste, la genette et quelques rapaces comme le percnoptère, le gypaète barbu et l’aigle royal. L’animal emblématique de ces tréfonds de montagne est sans conteste le singe magot qui vous accueille par quelque voie que pénétriez dans le Parc.

Les oiseaux sont également bien représentés puisqu’on y rencontre pas moins de 114 espèces dont 47 sont migrateurs.

Pour sauvegarder l’écosystème en place, l’administration du Parc a du pain sur la planche d’autant plus que la zone est très peuplée sur les deux versants de la montagne. Environ 80.000 habitants à la périphérie immédiate du Parc et 6.000 à l’intérieur même de la réserve. L’action anthropique est souvent dictée par des besoins incompressibles de pâturage, de coupe de bois et d’autres actions qui portent, d’une façon ou d’une autre, atteinte à l’environnement.

Une dorsale du pays kabyle

La délimitation du Parc du Djurdjura suit le contour des zones les plus sensibles écologiquement parlant, à savoir les forêts d’altitude (cèdre et chêne vert), les espaces intermédiaires qui pourront leur servir d’extension et les crêtes asylvatiques qui dominent les deux premières zones. Cela donne une superficie administrative de 18.550 hectares répartis sur deux wilayas : Bouira et Tizi Ouzou.

Cependant, la chaîne du Djurdjura va un peu plus loin en pénétrant dans le massif de l’Akfadou, dans la wilaya de Béjaïa. Des techniciens et professionnels du domaine ont toujours rêvé de créer un autre parc dans la forêt de l’Akfadou, qui aurait un pied à Tizi et un autre à Bgayet, en raison de l’existence d’un autre écosystème strictement forestier et proche de la mer.

Les villages kabyles accrochés sur les deux faces de la montagne et qui pendent à mi-versant de celle-ci relèvent de plusieurs communes : Iferhounène, Abi Youcef, Akbil, Iboudrarène, Ouacifs, Aït Boumahdi, Agouni Gueghrane, Aït Bouadou, Assi Youcef, Boghni,… sur le versant nord, et Aghbalou, Saharidj, El Adjiba, El Asnam, Haïzer, Taghzout, Aït Laziz et Bechloul,sur le versant sud.

Ce vaste territoire appartient à deux grands bassins versants : la Soummam qui rejoint la mer au niveau de la ville de Bejaia et le Sebaou qui termine sa course à Tagdemt, à quelques encablures de la ville de Dellys.

Le relief du Djurdjura est l’un des plus accidentés et des plus abrupts de l’Algérie. Les dépressions creusées à sa périphérie atteignent de très basses altitudes (300 à 400 m à Ouacifs, Ouadhias et M’chedellah), alors que les sommets de la chaîne caracolent à 2123 m (La Dent du Lion à Haïzer) et même à 2308 m (Lalla Khedidja). Ce qui le distingue notablement de l’Aurès ou du massif de Ouled Naïl où les reliefs les plus bas sont situés à 900 m, voire 1000 m d’altitude.

Une très grande partie du massif du Djurdjura est formée pendant l’ère secondaire (le jurassique et le trias), soit depuis environ 140 à 200 millions d’années. L’axe de la chaîne est formé de calcaires liasiques (jurassique inférieur), durs et compacts, en bancs fortement redressés. L’assise inférieure est dolomitique (carbonate de calcium et de magnésium). Dans la partie supérieure, les calcaires deviennent marneux.

Le relief d’altitude est de type karstique. Dès que la masse calcaire est en saillie au-dessus du niveau des rivières principales, les eaux de pluie s’infiltrent en profondeur. Elles taraudent la masse calcaire en utilisant les zones de faiblesse, les diaclases, joints qui vont s’élargissant. Les eaux organisent un véritable réseau souterrain comportant des puits verticaux qui crèvent la surface du plateau de gouffres appelés avens à l’exemple du gouffre d’Assouel qui descend à une profondeur de 900 m. D’autres multiples galeries garnissant les entrailles calcaires du massifs aboutissent à de vastes cavernes reliées par des boyaux étranglés, à l’exemple de la Grotte du Macchabée sur la façade d’Azrou n’Tidjer, dans la région de Aïn El Hammam.

Cette grotte géante est splendidement ornée par des dépôts de carbonate de chaux, concrétions calcaires qui pendent au plafond de la grotte (stalactites) ou montent du sol (stalagmites). Les galeries de cette caverne sont étagées. Les plus hautes sont abandonnées par les eaux et les spéléologues qui les parcourent y observent des marmites torrentielles, des vasques et des cascades asséchées.

Les eaux infiltrées dans la masse calcaire se rassemblent en véritables cours d’eau souterrains qui creusent leur lit comme le feraient des rivières superficielles.

Les eaux finissent par ressortir en grosses sources appelées résurgences, comme les sources de Tala Boudi (à Aghbalou), L’Aîncer n’Vili (à Iferhounène), L’Aîncer Aberkane(à Saharidj avec un débit allant de 400 à 10.000 l/s) et la phénoménale source des Aït Ouabane captée pour les besoins en eau potable et pour la production d’électricité à Souk El Had des Yatafène.

Tous les éléments de ce relief karstique aboutissent à des formes esthétiques qui rassasient les yeux, une architecture orographique faite de pitons, de crevasses, de gouffres et de brèches comme cette fenêtre unique en son genre appelée Le Belvédère, à quelques pas avant la belle pelouse d’Assouel. Le Belvédère ouvre une fenêtre dans la masse d’Azrou Gougane, juste à côté de Taltat appelée aussi Main du Juif. Il donne une vue exceptionnelle du massif de la Haute Kabylie (Beni Yani, Larbaâ Nath Irathène, Aïn El Hammam. En abaissant un peu les yeux, on peut admirer par voie aérienne, comme dans un avion, les pâtés de maisons de Timeghrass, Aït Boumahdi, Tiroual et Larbaâ des Ouacifs.

Une curiosité topographique et esthétique est perchée entre la station de Tikjda et la réserve de Tala Guilef. Nous sommes à 1720 m d’altitude au sommet d’une crête qui n’en est pas une, et pour cause ! Une vaste étendue d’eau dépassant las dimensions d’un stade de football chevauche entre les wilayas de Bouira et Tizi Ouzou. Il s’agit du fameux Lac Goulmim (Tamda Ugalmim) qui ne voit disparaître ses dernières congères qu’au mois de juillet. Le lac naturel ne possède qu’une seule ouverture, celle débouchant sur le talweg appelé Assif Assouki l’Hennouts qui descend vers Ath R’gane et Agouni Gueghrane, dans la wilaya de Tizi Ouzou.

En été, ce lac est un lieu de pèlerinage et de bivouac pour les jeunes des Ouadhias et des Ath Bouadou qui y montent à pied et pour les jeunes de Bouira et de M’Chedellah qui peuvent, eux, y accéder par un véhicule tout terrain mais bien solide, car la piste ralliant ce site à partir des hauteurs de Aïn Alouane est très difficile. Il existe aussi un chemin pédestre, long et éreintant qui monte vers le lac à partir de Tala Guilef et ce pour les visiteurs qui viennent de Boghni. D’ailleurs, l’itinéraire Tala Guilef-Tikjda constitue une expédition classique pour nombre de visiteurs et d’étudiants ayant eu à plancher sur la géologie, la faune ou la flore du Djurdjura.

Le cèdre et le singe magot : témoins millénaires

L’une des raisons essentielles qui ont attiré l’attention des pouvoirs publics et de la communauté scientifique pour classer la chaîne du Djurdjura en parc cette réserve naturelle, c’est bien la présence de cette espèce devenue rare en Afrique du Nord, à savoir le cèdre de l’Atlas. La cédraie du Djurdjura est un tissu discontinu. Elle se répartit en plusieurs massifs plus ou moins importants sur les deux versants de la chaîne.

Le versant nord comporte deux importants massifs : la forêt des Aït Ouabane qui s’étend de Tizi n’Kouilal au col de Tirourda, importante futaie traversée par la piste du Génie militaire, et la forêt domaniale de Bou Djurdjura s’étalant sur le site de Tala Guilef sur les hauteurs de Boghni. Quant au versant sud, il compte le massif de Lalla Khedidja (sur le piton duquel trône le point culminant de l’Algérie du Nord : 2308 m), les cantons de Tikjda et Taouialt, et enfin la cédraie de Tachgagalt, sur les hauteurs de Haïzer et qui culmine à la Dent du Lion (2123 m).

Genre noble de par sa beauté, son port, ses ramures rayonnantes, la qualité de son bois et surtout la longévité de son espèce. En effet, certains sujets sont deux fois millénaires, ayant germé sous le règne de Massinissa ou sous l’épiscopat de Saint Augustin

Le cèdre de l’Atlas, arbre altier et orgueilleux, a souffert de l’inconscience et de la cupidité des hommes. Le dernier drame qui l’a frappé remonte au 30 août 2000 lorsque un feu venu du piémont et attisé par le sirocco atteignit la cédraie de Tikjda dont il décima 145 ha en plus de 200 hectares composés par d’autres espèces (pin d’Alep et chêne vert). Une partie de la forêt considérée comme la vitrine de tout le massif et épargnée par les bombardements de la guerre de Libération venait de partir en fumée.

Une autre espèce, le chêne vert, à l’état pur ou mélangé avec le cèdre, occupe le canton de Timerkoumine, les hauteurs d’Ighzer Ouakour et d’autres petites poches disséminées ça et là.

Une espèce rare, endémique du Djurdjura, a été identifiée en 1927 après qu’elle eut été découverte par un gardien au début du siècle. Il s’agit du pin noir (Pinus nigra mauritanica) se trouvant à une altitude de 1400 à 1500 m au niveau de Tikjda, sur une superficie de 2 hectares.

La première étude qui lui est consacrée est une thèse d’ingéniorat d’État soutenue par M. Bouzid Chalabi en 1980. Il y montre la rareté et la fragilité de cette espèce. En effet, dans son gîte actuel à Tigounatine, il ne resterait que 12 sujets de pin noir.

Le silence et la tranquillité des lieux sont les meilleurs facteurs pour la préservation de la faune ; une faune spécifique et une faune commune du Tell. Dans la première catégorie, le symbole des pitons, des crevasses et des grands rocs est sans conteste le singe magot. Il est propre aux montagnes de l’Afrique du Nord. On le rencontre depuis Azrou n’Tidjer, faisant la moue aux véhicules aux bruits desquels il a fini par s’adapter, jusqu’à Tala Guilef, en passant par Aït Ouabane et Tikjda.

Parfois des troupeaux de 100 à 150 individus se resserrent pour former une meute prête à l’offensive en cas de menace imminente. Cela nous est arrivé sur les versant boisé de Taouialt, dans l’oued Tinzer. Nous n’eûmes pour seul refuge que des maisons abandonnées d’Agouni, en bas de l’ancienne RN 33.

Sur les chemins de l’Akfadou

Dans le silence spectral et la brise quasi permanente qui caractérisent les reliefs escarpés du carrefour administratif des trois wilayas de Bouira, Tizi Ouzou et Bejaïa, nous sommes happés par le paysage d’une beauté mystique aux confins immédiats d’Azrou n’Thor.

Des falaises rocheuses auxquelles s’agrippent audacieusement des sujets épars de cèdre de l’Atlas, des pelouses verdoyantes propres aux sites alpins et des raidillons où sont marquées les traces de troupeaux de bovins paissant langoureusement depuis Taghalat ou Ath Ouabane.

Le carrefour de ces trois départements de la Kabylie se situe au niveau du col de Tirourda situé à 1750 m d’altitude.

Ce col constitue une ouverture de la montagne du Djurdjura entre Azrou n’Tidjer et Azrou n’Thor laissant passer la RN 15 qui joint Oued Aïssi à M’chedallah via Larbaâ n’Ath Irathène et Aïn El Hammam.

Malgré l’absence d’infrastructures touristiques, l’itinéraire sur lequel nous sommes aujourd’hui a toujours été suivi par des équipes touristiques plus ou moins importantes venant des pays d’Europe et ce, jusqu’au début des années 90. Il figure sur tous les bons guides et agendas touristiques.

A quelques kilomètres du Col en direction du nord, l’aiguille d’Azrou n’Thor prend l’aspect d’un ‘’hublot’’ à partir duquel il est loisible de contempler à volonté les dépressions des deux vallées  : la Soummam et le Sebaou, à l’orée du massif de l’Akfadou qui commence à quelques encablures d’ici.

L’ambition de cette région à accéder à une place touristique n’est que légitime. La féerie des lieux, l’originalité des paysages, la poésie et la musique dégagées par tous les éléments harmonieusement agencés nous mettent dans une ambiance de saisissement et de béatitude peu commune.

Nous sommes à Tala Selgou, une source fraîche et abondante située au milieu d’une pelouse alpine au pied d’Azrou n’Thor. La montée du piton de la montagne n’est pas très difficile.

Au fil des visites des touristes et des habitants des villages limitrophes qui lui organisent des zerdas chaque année, un chemin bien marqué a fini par être tracé sur le versant-est du mont et qui monte jusqu’au sommet de l’aiguille où est construit un mausolée à 1884 m d’altitude.

Les villages qui organisent des fêtes et des offrandes au saint patron sont Takhlidjt Ath Atsou, Zoubga et Tirourda relevant tous les trois de la daïra d’Iferhounène.

Pendant la fête d’Azrou n’Thor, les populations des villages voisins répartis sur les trois wilayas sont invitées aux cérémonies et aux agapes organisées à tour de rôle par l’un des trois villages cités plus haut.

Des processions de femmes, de jeunes filles aux robes diaprées, d’hommes et d’enfants arpentent à pied ou en voiture les chemins montueux qui mènent au Pic du Midi (Azrou n’Thor). D’Ath Melikech, de Michelet, d’Aghbalou et d’Illoula, les caravanes humaines avancent sans interruption vers le lieu mystique.

Le long de la crête de Tibbura Bugdel, nous voguons à cheval entre les wilayas de Tizi Ouzou et Béjaïa, entre Amalou (ubac) et Assamer (adret).

Vers le nord-ouest, ce sont les villages de l’aârch d’Illilten que nous dominons d’en haut :Tizit, Taourirt Amrous, Ath Aïssa U Yahia, Ath Sider. Vers le sud-est, ce sont les villages d’Ath M’likech et d’Illoulen Oussameur que nous embrassons dans un rayon de vision assez large : Tansaout, Oumaraï, Tinesouine, Ath Ouadda, Ath Yahia, Ath Sellam, Tighilt Mekhlouf,…

Ce sont des cantons densément habités mais où l’activité économique est tournée presque exclusivement vers l’oléiculture et l’élevage. Dans cette zone à fort potentiel touristique, aucune infrastructure en relation avec ce créneau important de la vie économique n’existe.

En face des Ath M’likech, sur le versant sud-est, la commune d’Aghbalou relevant de la wilaya de Bouira dresse sa perle de villages et hameaux pittoresques : Ighil Azem, Ivahlal, Takerboust, Ath Hamdoun, Selloum. Sur les hauteurs d’Aghbalou, une source appelée curieusement Aïn Zebda déverse son eau fraîche et limpide directement sur la RN 15.

Les automobilistes et les visiteurs y marquent une pause pour se désaltérer par temps chaud. Une bicoque de fortune propose aussi des boissons gazeuses et alcoolisées et des sandwichs. Dans le voisinage immédiat de la source, des enfants vous proposent des fruits de saison : figues, figues de Barbarie, poires, pommes, …etc. Après avoir déambulé sur des crêtes souvent dénudées et même rocailleuses, nous voilà passés au-delà de Tizi Ichelladen où le territoire montagneux s’engouffre petit à petit dans les ténèbres du massif forestier de l’Akfadou.

Sur la ligne de faîte d’Azrou n’Ath Ziki qui sépare la wilaya de Tizi Ouzou de la wilaya de Béjaïa, l’observateur est embarrassé par la multiplicité des paysages bariolés, des villages étagés en terrasses et des hameaux regroupés en pâtés de maisons. Où tourner le regard ? Vers Haouara, Ath Salah, Takoucht, Agouni n’Teslit ? Vers le sud pour admirer Sid Ahmed Ousaïd, Timilouin, Issouane et El Matène ?

Tout, ici, sent la féerie, la vie bucolique et la couleur du pays profond dont l’âme est demeurée inaltérée.

Comme on reçoit en plein cœur l’authenticité, le labeur et les plaintes chastes des hommes accrochés aux vallons herbus et aux pitons rocailleux et ravinés.

Le massif de l’Akfadou fait jonction avec les derniers contreforts du Djurdjura pour descendre, avec un relief plus ou moins adouci, vers la Méditerranée dont il reçoit les brises et les embruns.

Tizi n’Tirourda ou les trois dimensions

Parmi les brèches et les anfractuosités creusées par dame nature dans le roc de la chaîne du Djurdjura, le col de Tirourda est l’une des plus majestueuses. Elle fait partie des entrées réalisées par le travail de l’orogenèse pendant les ères du trias et du jurassique, il y a plus de cent millions d’années. En tous cas, c’est le passage de montagne le plus élevé d’Algérie du haut de ses 1750 m. La RN15, qui commence à partir de Oued Aïssi (Tizi Ouzou), monte sans relâche sur 56 Km jusqu’au col de Tirourda pour subir sa plus vertigineuse inflexion qui la conduira dans la plaine de Chorfa(Bouira) sur les rives de la Soummam.

Porte mythique par excellence pour les habitants de la Haute Kabylie, on l’appelle souvent Tizi tout court, c’est-à-dire Le Col, un nom propre qui se suffit à lui-même parce qu’il est unique en son genre de par la forte altitude qui le caractérise et les difficultés qui en résultent. Cette ouverture constitue le passage obligé de la route, la RN 15, taillée dans le roc de la montagne sur pas moins de sept kilomètres. A la sortie de la maison cantonnière de Tizi Ldjamaâ, la route serpente en jugulaire sur la façade ouest de la montagne, suspendue entre ciel et terre. La route est crevassée à plusieurs endroits et s’affaisse carrément en certains points en raison des exploitations permanentes de carrières d’extraction de pierres. De ces dernières déboulent des blocs de plusieurs quintaux, voire de plusieurs tonnes, qui atterrissent violemment sur la route goudronnée. Il arrive même qu’une grosse pièce obstrue la route pendant quelques heures avant que des ouvriers la cassent et la fragmentent en plusieurs morceaux.

Après avoir franchi deux petits tunnels situés respectivement à 1280m et 1320m, le chemin monte à la merveilleuse source de Vili qui laisse couler une eau fraîche et cristalline le long d’une conduite et qui retombe dans une vasque en béton dans laquelle s’abreuvent les vaches et les bœufs transhumant dans les alpages voisins. Un kilomètre et demi plus loin, une piste prend naissance sur la droite ; c’est la fameuse piste du génie militaire qui passe derrière le sommet d’Azrou n’Tidjer et la grotte du Macchabée et s’enfonce dans la ténébreuse forêts des At Ouabane, au pied d’Azrou Madène. Plus loin, elle assure la jonction entre Vili et le col de Tizi n’Kouilal.

La RN 15 continue à monter, les singes magots prennent plus d’audace à se montrer et à s’agripper en véritables gymnastes aux branches flexibles des cèdres millénaires. Ils s’envoient des cris et des appels qui son inintelligibles aux hommes ; mais, on devine qu’ils sont dérangés par la présence humaine.

Nous abordons ensuite une petite merveille de la nature et … des Travaux Publics coloniaux : la Porte Civeli. Ici, la route passe à découvert dans la roche tout en laissant sur son flanc aval un petit morceau de roc en aiguille ; et c’est pourquoi on a l’impression de franchir une véritable porte de la nature. A partir de ce point, la pente devient plus accentuée, s’approchant des 10%. Une vue panoramique s’offre à la vue du visiteur le moins passionné. En face, un tableau féerique met en évidence l’imposant pic d’Azrou-nT’hor haut de 1884 m d’altitude sur les basques duquel s’accrochent audacieusement des taillis de chêne vert et de beaux bosquets de cèdres. La façade est encastrée en pente vertigineuse dépassant les 200%. Tout à fait en bas, dans une dépression très ramassée, se love miraculeusement un village dont on aperçoit bien les toitures en tuiles rouges : c’est la fabuleuse Tirourda qui donne son nom au col qui la surplombe. Un peu plus loin, un autre village s’adosse aux pieds d’Azrou-nT’hor : c’est Takhlidjth n At Atsou qui est situé à peu près dans les mêmes conditions que Tirourda.

Sur les fossés de la route des amas de neige et des congères sont encore présents atteignant parfois plus d’un mètre de hauteur. Le dernier virage aigu avant le col, exposé vers l’Est mais très abrité, voit son talus abondamment tapissé de neige. C’est le dernier endroit dans lequel se cache la poudreuse après avoir fondu sur l’ensemble du trajet.

A l’approche du col, un vent persistant et glacial vous enveloppe malgré le soleil suspendu sur votre tête. Jusqu’au mois de juin, le soleil n’est d’aucun secours sur ses altitudes. Sur l’exact passage de montagne, le vent est à son apogée. Des troupeaux de bovins traversent la route. Le berger qui les conduit- cas très rare dans les alpages- nous apprend qu’il venait d’At Ouabane. Pour toute provision, il portait une besace pendue à son flanc gauche, dans laquelle il a certainement mis son déjeuner, et un petit poste cassette duquel sort la voix rocailleuse de Matoub. Une piste prend à gauche à partir du col de Tirourda et suit rigoureusement la ligne de crête jusqu’à Tizi Ichelladhen qui fait communiquer la wilaya de Tizi Ouzou avec la wilaya de Bgayet. En cours de route, le visiteur peut admirer le socle supérieur d’Azrou-nT’hor, les pelouse et les petits marécages de montagne au niveau de la magnifique source de tala Selgou.

En continuant notre chemin sur la RN 15, nous entrons dans la wilaya de Bouira. La route fait un double fer à cheval éreintant d’autant plus que la chaussée s’est complètement affaissée sur plusieurs mètres. Des adolescents s’échinent à aplanir certaines crevasses en les comblants de terre. Ce travail de jeunes chômeurs venus par leur propre initiative réparer manuellement certains tronçons dégradés de la route est une expérience unique en Algérie. Personne ne les a recrutés, même pas le Filet social ou l’Emploi de jeunes. Qui les paye ? Eh bien, ce sont les automobilistes et les camionneurs qui passent par là. 10 da, 20 da, toute pièce est bonne à prendre. C’est normal, la nature a horreur du vide. En l’absence des services concernés, APC et Travaux Publics, il faut bien que quelqu’un d’autre répare, même manuellement, la route. C’est là l’exemple d’une région qui se prend en charge et dont les jeunes ne répugnent pas au travail quelque pénible qu’il soit.

Un peu plus bas, une plaque nous apprend que nous sommes en plein Parc du Djurdjura et que la chasse et le dépôt d’ordure sont interdits. Après le grand lacet de route qui descend sur Aghbalou, nous arrivons à la source appelée bizarrement Aïn Zebda, un nom un tantinet excentrique sur de telles hauteurs. Cette source constitue un petit relais en germe. Outre l’eau fraîche et abondante qu’elle assure, l’endroit est le lieu de halte de plusieurs automobilistes et camionneurs pour déjeuner dans une gargote, acheter les fruits de saison et, pour les amateurs de Bacchus, s’approvisionner en liqueurs ou en boire sur place. Une animation conviviale habite ce lieu paradisiaque où l’eau fraîche et la nature sauvage se conjuguent avec la bonne humeur.

Sur le point où nous nous plaçons, s’offre à nous le versant des At M’likech (wilaya de Bgayet) avec ses villages qui sertissent la moyenne montagne. Un cours d’eau, Ighzer n At M’likech, sépare la wilaya de Bouira de la wilaya de Bgayet. Il faut rappeler ici que ce cours d’eau a toujours été une limite, au moins depuis le 19e siècle. Du temps où l’Algérie était partagée en trois départements après les lois du Sénatus Consult, ce cours constituait la limite entre les départements d’Alger et de Constantine.

Tout près de nous, nous admirons les Beni Ouamer avec Iguer Gouslène, Aït Yahia, Tinesouine, Taddart Gouadda et Tahammamt. Un peu plus loin à l’horizon, se dessinent les villages de Taghalat, Lamsallah, Orthène, Aïacha, Fdila et Taboudake.

Les villages de la commune d’Aghbalou (w. de Bouira) sont suspendus sur les hauteurs de Tazmalt qui constitue leur débouché naturel. Ivahlal avec Ighil Azem, Takerboust, qui est le chef-lieu de commune, Selloum et At Hamdoun en sont les principales agglomérations rurales.

Le col de Tirourda demeure un lieu mythique de par sa position excentrée par rapport aux principaux villages de la région, ce qui faisait de lui un lieu redouté par les voyageurs qui devaient faire face aux bandits de grands chemins qui, non seulement dévalisaient leurs victimes, mais elles les tuaient même. Les Igawawen qui faisaient le métier de colporteurs (vendeurs d’épices ambulants) et qui se rendaient dans la région de Bordj Bou Arréridj, Bouandas, Amizour ou El Kseur voyageaient souvent en groupes pour parer à toute éventualité ou mauvaise surprise.

Du point de vue climatique, ce point constitue une zone exceptionnelle d’enneigement et de circulation des vents. Du temps où les voyageurs marchaient à pied ou sur des montures, des centaines d’entre eux furent tués asphyxiés par les rafales de vent chargé de neige et ensevelis par la suite sous des épaisseurs de neige dépassant les trois mètres. Leurs corps ne sont découverts qu’à la saison des fontes de neige.

Le col, c’est aussi le lieu de présence des fauves tel le lion dont le dernier individu signalé aurait été abattu au début du 20e siècle. De même, c’est l’endroit où se dressaient les embuscades de voleurs et de bandits. C’est cette réalité historique qui a inspiré le passage d’Aït Menguellet dans sa chanson Imesbriden chantée sous forme de dialogue en duo avec Idir en 1992

" - Faites attention quand vous abordez le Col

Il y neige abondamment

La route est obstruée.

Nous passerons ; il n’y a pas de voie difficile

Ni de neige qui ne fonde pas entre les mains.

Faites attention quand vous abordez la Colline

Une ombre y fait le guet.

Si c’est une personne, nous le prendrons avec nous

Si c’est un fauve, nous en ferons notre dîner."

Lieu d’une beauté splendide à la valeur touristique établie, aucun intérêt n’est jusqu’à présent manifesté par les pouvoirs publics à son endroit. Et pourtant, de par le passé, des touristes occidentaux avaient l’habitude d’inscrire dans leurs agendas l’itinéraire Larbaâ Nat Iraten, Aïn El Hammam, le col de Tirourda, Takerboust… Ighil Ali avec L’qelaâ n’At Abbas.

Haïzer : quels horizons pour un village de piémont

Tout dans le chef-lieu de wilaya de Bouira indique que Haïzer est là, dans les parages. Très présents dans la ville, les habitants de cette commune, qui est en même temps chef-lieu de daïra, descendent même pour de petites commissions, histoire de fixer ou d’honorer un rendez-vous dans l’un des café, très nombreux, qui parsèment la cité ; histoire aussi de s’informer de ce qui se passe, de se rendre dans un cybercafé ou de dissiper un cafard tenace.

Mais le lieu d’élection de la communauté de Haïzer est certainement ce recoin du carrefour de Tikjda, en bordure de la RN 5 et où commence la RN 33 qui relie Bouira à Tizi Ouzou. Là, la station de transport vers les deux localités de Haïzer et Taghzout ne désemplit jamais de jeunes lycéens et de travailleurs s’apprêtant à rejoindre leurs foyer au bout d’une journée hivernale bien courte.

Sous ce point de vue, la localité de Haïzer paraît comme une lointaine banlieue de la ville de Bouira. Elle n’est, en fait, qu’à neuf kilomètres à l’est du chef-lieu de wilaya.

En empruntant la RN 33, l’on a en face de nous la muraille du Djurdjura dans sa portion la plus massive et la plus redressée. Les deux crêtes de Tajgagalt et Adrar n’Haïzer, délimitées par la Dent du Lion (une aiguille de 2123 m d’altitude), dominent la plaine de Oued Tessala et les plateaux forestiers de Tikboucht et d’Ighil Medjbeur.

La différence d’altitude est énorme ; elle donne le vertige. Le village de Haïzer n’est qu’à 560 m et la Dent du Lion (Tamgout n’Haïzer) qui le surplombe est à 2123 m !

C’est l’un des spectacles les plus éblouissants et l’un des panoramas les plus rares.

Une telle situation aurait pu faire de ce village une station touristique des plus enviables si un plan de développement touristique y était mis en œuvre. L’idée est d’autant plus sensée que ce lieu est aussi le point de passage vers la mythique station de Tikjda située à quelque quinze kilomètres d’ici.

Mais, pour l’instant, il n’en est rien. Haïzer reste cette cité hybride entre l’ancien village kabyle et la nouvelle cité qui n’arrive pas encore à trouver ses marques. Poussières ascendantes en forme de vortex en été, fange épaisse en hiver ; ce sont là les deux caractéristiques de ses venelles et même du ‘’boulevard’’ central.

Le Haut-Haïzer, à l’image de Aïn Alouane était un no man’s land au milieu des années 1990. L’activité terroriste s’étendait jusqu’aux hauteurs de la circonscription de M’chedellah (Tizi n’Kouilal).

Aujourd’hui, la vie reprend ses droits et la sécurité est rétablie dans toute la région.

Les bois et les bosquets sur la route qui mène vers Tikjda reçoivent de nouveau des visiteurs en groupes d’amis ou en familles.

Constitué principalement de pinèdes, le couvert végétal se termine au niveau du Parc du Djurdjura (Agouni Soulès et Ifri Aït Ouyahia) par le cèdre de l’Atlas, espèce noble dont certains sujets ont plusieurs siècles d’âge. Malheureusement, les incendies de 1994 ont largement affecté ce patrimoine. Après les deux dernières années où la pluviométrie a connu un volume fort intéressant (jusqu’à 1000 mm par an), la remontée biologique commence faire son travail. Des nappes de plants régénérés de pin d’Alep sont visibles un peu partout.

Le secteur resté vierge jusqu’à présent est bien sûr celui du tourisme. L’aménagement d’espaces d’écotourisme dans le Parc national du Djurdjura conférera un autre destin aux agglomérations et hameaux de la daïra de Haïzer : possibilité d’investir dans le commerce, les métiers traditionnels, l’artisanat, l’hôtellerie et les autres services connexes.

Pour peu que les pouvoirs publics tracent une politique claire et rationnelle en la matière et que la société civile et les professionnels du tourisme soient plus entreprenants, les villages de Tessala, Merkala, Izemourène, Tanagout,… etc. pourront devenir des villages alpins où, à l’harmonie et à la beauté de la nature, s’ajouteront de réelles perspectives de travail, d’investissement et de bien-être social.

Les murailles d’Azrou n’Tidjer et la Grotte du Macchabée

Nous sommes à Aïn El Hammam, ex-Michelet. Du haut d’Ighil n’Sebt (1232 m d’altitude), nous avons une vue sur un bel arc du Djurdjura allant des escarpements de Tabbourt El Aïncer, qui surplombent Boghni, jusqu’à Azrou n’Thor.

La direction sud-ouest du regard tombe immanquablement sur la façade d’Azrou n’Tidjer, une muraille dressée au-dessus du cours de l’Oued Djemaâ, principal affluent de l’Oued Aïssi. La façade porte, comme des grains de beauté, deux petits cercles buissonnants accrochés à angle droit.

Une petite ouverture, sous forme de sourcil bien arqué, se devine sur la partie gauche de la muraille. C’est l’ouverture de la mythique Grotte du Macchabée dont nous ne connaîtrons les véritables dimensions qu’une fois parvenus sur les lieux.

Il faut alors se résoudre à ce voyage qui peut prendre 20 à 30 minutes en voiture sur la RN 15 jusqu’au carrefour de Tizi Ldjamaâ. De là, on bifurque à droite pour parvenir, au bout d’environ un kilomètre, à un grand sentier qui chemine sensiblement au pied de la grande muraille.

Un raidillon aux formes fuyantes, tracé dans la paroi même de la façade d’Azrou n’Tidjer, prend naissance à équidistance entre les deux extrémités de la largeur de la masse imposante de la muraille.

Le petit sentier monte verticalement ; les pas des visiteurs ont fini par y tracer de petites marches. Les jambes commencent à faire des ratés au bout d’une dizaine de minutes. On zigzague, on glisse sur de petits cailloux rondelets ou acérés et, dans un élan de courage bien nécessaire, on reprend ses forces en les projetant sur le restant du parcours à escalader.

Pendant la colonisation, l’itinéraire vertical qui mène à la grotte était doté d’une corde d’ascension passée entre des pitons profondément fichés dans le roc. Certains de ces pitons sont toujours là, mais le reste s’est tout simplement volatilisé.

Après une escalade qui aura duré en moyenne une demi-heure, l’on aborde une petite plate-forme située en avant de la porte d’entrée. Nous sommes à 1472 m d’altitude sous le géant portique qui annonce qui annonce l’entrée de la grotte, une entrée haute de pas de cinq mètres. Un chemin large et rocailleux pénètre dans les profondeurs ténébreuses. Ses parois sont marquées de flèches à la peinture pour indiquer la direction à suivre pour arriver au macchabée qui gît au fond de la grotte. A fil du temps, de mauvais plaisantins ont multiplié les flèches jusqu’à faire perdre son chemin au visiteur profane.

L’importance de ces indications va se révéler au premier carrefour ; là, des chemins multiples sous forme de boyaux sont ‘’proposés’’ au convive du monde souterrain.

Il faut non seulement être accompagné par un connaisseur, mais il importe aussi d’avoir sur soi des bougies et des allumettes pour baliser son itinéraire par des lumignons fixés à la paroi de la grotte et espacés de façon à ce que, à partir d’une balise, on puisse voir la suivante.

L’architecture des stalactites et stalagmites est d’un spectacle saisissant. De longs et effilés appendices rocheux pendent du toit de la grotte en laissant tomber des gouttes d’eau fraîche avec un rythme de métronome. Des vasques et marmites ciselées par le travail inexorable de l’érosion qui a duré des millions d’années ornent le parterre rocailleux. Un silence religieux règne dans le ‘’hall’’. Un simple soupir ou une légère toux du spéléologue amateur sont amplifiées d’une mystérieuse façon en échos saccadés et qui s’éteignent graduellement à la porte d’entrée.

Au bout de deux cent mètres environ, le chemin se rétrécit d’une façon incompréhensible. Des blocs de pierres solidairement emboîtés s’accrochent au toit et forment une cloison presque infranchissable. On a l’impression que le parcours prend fin et qu’il ne reste comme ultime solution que de rebrousser chemin en se faisant guider par les lumignons qu’on a fixés derrière soi.

Il n’y a qu’un habitué des lieux qui peut vous apprendre que votre chemin ne vous a encore rien révélé des secrets, ou plutôt du Secret qui a motivé votre déplacement. Le froid permanent de ce monde intérieur pénètre insidieusement dans les os au moment où l’on se met à réfléchir à la manière de continuer son aventure.

En s’approchant nettement de la cloison pierreuse, on s’aperçoit subitement et comme par enchantement qu’un halo de lumière recouvre l’autre compartiment en avant auquel on n’a pas pu encore accéder. C’est une menue brèche oblongue dans le sens horizontal qui donne accès à cette zone pénétrée par la lumière du jour. La surprise est de taille et la curiosité s’aiguise d’une façon irrépressible. D’où peut provenir la lumière du jour ? Les boyaux de la grotte transpercent-ils le roc de la montagne au point de donner sur l’autre versant  ? Le mystère reste complet tant que l’on n’a pas gagné le compartiment tant convoité. Et comment faudra-t-il s’y prendre ?

L’unique solution à laquelle sont réduits tous les visiteurs de ces entrailles de la terre est de se présenter par les pieds en se couchant sur le dos ou à plat ventre ; puis, on laisse glisser son corps de proche en proche sur une dalle obliquement incrustée jusqu’à sentir les pieds se reposer doucement sur le sol du nouveau compartiment. On relève la tête enfin, et une aveuglante lumière vient agresser les yeux, lumière blanche du jour qui pénètre d’un trou circulaire au-dessus du parquet.

Une lumière qui ‘’pleut’’ et qui guide l’invité des abysses dans ses dernières pérégrinations.

Quelques dizaines de mètres plus loin, on tombe droit devant un grillage de fil métallique recouvrant un cadavre à moitié dépecé. Un cadavre qui garde l’essentiel de sa peau mais à qui on a volé une partie des membres. Le froid permanent de la grotte a, en quelque sorte ‘’momifié’’ le macchabée.

Chacun a sa version quant à l’histoire de cet homme qui a fini sa course dans le ventre de la terre et qui a vu sa dépouille couronner d’un destin peu commun. On raconte, entre autres, que c’était un berger qui aurait subi une chute à partir du trou ou pénètre la lumière du jour dans la grotte. Blessé, il aurait traîné son corps jusqu’au fond de la cave dans laquelle il repose depuis plus d’un siècle.

A la sortie de la grotte où l’on regarde de face le panorama qui s’ouvre sur l’Oued Djemaâ, on est pris d’un vertige au sens propre du mot. Peu de visiteurs pourraient soutenir un tel exercice d’équilibre où l’on a l’impression que l’on regarde à partir du toit d’un avion ! Tizi Oumalou, Ichellibène, Aourir Ouzemmour, Akaouadj, Aït Mislayène, Aït Laâziz, Aït Khelifa, sont autant de villages qui sertissent les collines et les buttes, les vallons et dépressions des aârchs d’Abi Youcef et Akbil . Au pied d’Azrou n’Tidjer, prend naissance une source limpide et glacée qui déverse ses eaux dans Oued Djemaâ. Ce dernier alimente à son tour le nouveau barrage de Taksebt, dans la banlieue de Tizi Ouzou.

La féerie de Tamda Ugelmim

Parmi les sites les plus curieux mais qui n’ont pas connu une promotion particulière sur le plan médiatique, le Lac Goulmim est certainement celui qui mérite une attention et un intérêt accrus de la part d’éventuels visiteurs, amis de la nature ou âmes gagnées par l’angoisse existentielle.

Un lac sur un sommet de montagne, ce n’est certainement pas ce qu’il y a de plus courant en Algérie et même de par le monde.

Situé à califourchon entre la wilaya de Bouira et la wilaya de Tizi Ouzou, ce monument de la nature appartient réellement au bassin versant d’Assif Assouki , qui passe en contrebas d’Agouni Gueghrane. Il trône à 1660 m d’altitude avec une cuvette d’environ quatre hectares. C’est une dépression limitée par trois sommets assis sur des lignes de partage des eaux :Tizi n’Cennad, à l’est (1950 m), Tizi Taboualt, à l’ouest (1900 m) et Tizi Goulmim, au sud (2000 m).

La dépression de Tamda Ugelmim résulte d’un travail géologique fort complexe associant les mouvements de la dynamique interne de la terre (orogenèse et plissements) et les phénomènes karstiques propres aux reliefs calcaires faisant intervenir un processus chimique.

La cuvette semi-fermée du lac s’ouvre légèrement vers le nord pour laisser le trop plein d’eau se déverser dans Assif Assouki. C’est une plate-forme dont les limites sont des falaises qui dessinent une véritable reculée. Spacieuse, pittoresque et envoûtante, cette place est, en été, la destination privilégiée des jeunes d’Ath R’Guène, des Ath Bouadou et des autres villages du piémont pour un bivouac naturel ou pour une partie de football.

Le pèlerinage et les randonnées commencent généralement au début de l’été lorsque les grosses congères auront fondu. Il ne reste alors que de petits amas de neige lovés dans les recoins et les échancrures du site. Pour s’y rendre, les jeunes d’Aït El Mansour, Aït Djamaâ, Aït Khalfa, Ibadissen,…doivent emprunter des chemins pédestres, montueux, cahoteux et éreintants. C’est une petite partie d’alpinisme avant d’accéder à la plaine sacrée de la haute montagne qui nous hèle à partir de son balcon perché à presque 1700 m d’altitude.

Les bivouacs qui s’organisent sur ces lieux s’étalent sur plusieurs jours. Pauvre est certainement celui qui n’a pas pris part à l’une de ces agapes où l’on égorge et rôtit un chevreau offert par un berger. Le pauvre cabri s’est renversé d’une falaise, fait le tonneau et sortit avec plusieurs fractures. Pour ne pas perdre gratuitement la bête, le berger l’offre volontiers aux randonneurs et vacanciers qui, dans une liesse collective, n’en font qu’une bouchée.

Le seul accès plus ou moins viabilisé vers le lac Goulmim est la piste qui vient de Tikjda, dans le territoire de la wilaya de Bouira. Cette vieille piste tortueuse et fortement rocailleuse prend naissance à l’extrémité ouest de la forêt de Tigounatine, en amont de Assif n’Tinzer. Elle dessine des angles aigus en fer à cheval que seul un véhicule tout terrain peut franchir avec, bien sûr, la gymnastique d’usage.

Nous sommes à Tizi Boualma (appelée aussi Tizi Timedouine), à 1700 m d’altitude. Le chemin monte jusqu’à Tizi n’Tit n’Tserdount (‘’col de l’œil de la mule’’), à l’ombre d’un pic de 2126 m d’altitude. Ici, c’est un chemin pédestre qui évite les contorsions de la piste qui passe par Tizi n’Cennad. Arrivés à hauteur du lac, nous sommes happés par un saisissement presque surnaturel à la vue d’un panorama qui n’a pas son égal ailleurs.

La fente nord de la dépression par où s’échappent les eaux excédentaires s’offre à la vue comme un véritable belvédère qui ouvre le champ sur la perle des villages du piémont et des vallées : Agouni Gueghrane, à l’est, jusqu’à Aït Djemaâ et Thakharradjit,à l’ouest.

En l’absence de bergers et de visiteurs, l’oreille du solitaire devient hypersensible à cette brise permanente, parfois atone et d’autres fois sifflante, qui se faufile entre les rocs, pénètre dans les anfractuosités et les méandres des talwegs descendants, caresse les pitons et les quelques houppiers ballants de cèdre disséminés à l’hotizon. La brise finit par se perdre dans les hauteurs éthérées pour être relayée, sur les pelouses avoisinantes, par les beuglements de vaches et de bœufs sortis de quelque monticule ou vallon où ils paissaient dans un silence religieux.

Du temps où s’organisaient les randonnées pédestres sous la conduite des agents du Parc du Djurdjura, et particulièrement de feu Mustapha Muller, le Lac Goulmim faisait partie de l’itinéraire sacré qui mène de Tala Guilef (sur les hauteurs de Boghni) à Tikjda (dans la wilaya de Bouira). La marche était promise à une durée moyenne de quatre heures sous la conduite vigilante et les explications précieuses de Muller.

Mustapha Muller, un Autrichien qui a choisi comme patrie l’Algérie depuis la guerre de Libération nationale, travaillait au Parc du Djurdjura. Ensuite, il a été nommé au Parc du Tassili-Ahaggar. Mort au milieu des années 1990, il a choisi d’être enterré à Tamanrasset.

Amar Naït Messaoud

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11 Messages de forum
La montagne du Djurdjura : Le site et le mythe
1er mai 2007 09:02, par marzuq bwa agwni gaghran.
thanmirth thamqrant a gma. c’est avec beaucoup d’attention et d’emotion que j’ai parcouru votre articles de bout en bout, facinante votre description du djurdjura. une montagne mithyque. helas aucune importance n’est acordee par les pouvoirs en place . une volonte deliberee biensure pour saper notre region et ses habitants. je suis originaire d’agouni gueghrane , un village perche au pied du djurdjura. j’invite tous les kabyles specialement les montagnares pour preserver leur environement ainsi que notre montagne, mais aussi preserver nos coutumes et tradition ; ne pas se laisser influencer oubien intimider par les soit disant gens develper qui polulent et infeste notre region . malheureusement rien n’est fait sur le terrein qui peut nous rassembler en assiciation dans le but de sauvgrader notre patrimoine naturel et culturel, pour cela je lance un appel a tous les braves fils de cette kabylie de se constituer en collectif ou association pour la preservation du massif du djurdjura. encore une fois un grand bravo a notre frere amar nait messaoud.

marzuq bwa agwni gaghran.

La montagne du Djurdjura : Le site et le mythe
26 mai 2007 23:36, par Isghi
Azul a MARZUQ N WEGNI YEGHRAN.

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COMMENTAIRES

La montagne du Djurdjura : Le site et le mythe
2 mai 2007 15:26
Bonjour à tous,

Merci pour cet article oh combien important. Il permet à ceux qui connaissent cette montagne de se replonger dans ce décor magnifique et pour les autres de le découvrir. En lisant cette article j’ai re-senti les différentes herbes que l’on sent le long du chemin que l’on prend pour aller vers la grotte du Macchabé en partant du village aït mislaiëne, via yema thagentourth et en arrivant à la grotte. J’ai aussi revu les magnifiques paysages que l’on peut observer une fois à l’entrée de la grotte en regardant en contre-bas. Lorsque l’on redescend de la grotte le randonneur repart toujours avec des feuilles de lauriers qu’on laisse sécher et qui feront une bonne chorba pendant le Ramadhan.

Une petite rectification : Le domaine le plus important du djurdjura (coté Nord) n’appartient pas au village aït Ouabane (je les salue tous d’ailleurs) mais au village aït Mislaïene (voir déjà les documents rédigés par les français à l’époque).

Merci pour ce voyage...à quand le prochain ?

La montagne du Djurdjura : Le site et le mythe
7 mai 2007 20:49
il y a une source d’eau minerale a ait attaf si vous etes interesses , je peux vous assister pour l’exploiter
contactez sihadj.abdenour@hotmail.com

7 mai 2007 20:50, par si hadj

La montagne du Djurdjura : Le site et le mythe
9 mai 2007 23:15, par Nissa de tizi ouzou
azul fellawen. Merci pour cette randonnée à travers le djurdjura , en lisant votre article ca me fait penser à l’époque où on faisait des sorties pédagogiques de l’université au parc national du djurdjura. Il est du devoir de tout un chacun de participer à la sauvegarde du patrimoine naturel ( la flore et la faune )et prendre les mesures nécessaires afin de pallier au probleme de la pollution qui prend de l’ampleur au fil des jours.

La montagne du Djurdjura : Le site et le mythe
11 mai 2007 09:50
tanmirt a gma merci pr ce voyage virtiuel pr ceux n’ont pas eu la chance de visiter la kabylie juste un précision , l’organisation de la zerda de Azru n thur se fait par les trois villages Takhlidjt, Zubga et Ait Adallah et non pas Tirourda encore une fois merci

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