Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Zighcult
12 octobre 2005

La poterie kabyle

"Si l'existence d'un âge de bronze en Afrique du Nord a longtemps été contestée, on peut aujourd'hui affirmer que le Maghreb a connu, dès le 1er et le 2e millénaires, des relations commerciales et maritimes avec l'Europe méditerranéenne et, surtout, les péninsules ibérique et italique. Bien que peu de matériel métallique ait été retrouvé, la céramique et la poterie berbères sont autant de preuves d'une Afrique du Nord ouverte aux progrès apportés de l'Europe", a cité Georges Caps, éminent spécialiste de la poterie, dans l'un de ses ouvrages sur la civilisation maghrébine durant les premiers millénaires. Nous pouvons, donc, par voie de conséquence, avancer, à l'instar de ce scientifique, que la poterie berbère est née durant le 1er millénaire.

Un art au féminin
Depuis sa naissance, la poterie berbère a toujours été un art exclusivement féminin, surtout dans une société où règne la division du travail par sexe, selon un système symbolique souvent rigoureux. Ainsi, ce bel art a été considéré, effectivement, comme une ordinaire tâche ménagère, alors que les hommes s'occupaient de tâches plus "masculines".

La poterie concernait exclusivement les ustensiles domestiques et culinaires, accomplie, chaque année, par un groupe de femmes pour renouveler la vaisselle familiale. En fait, il n'existe pas d'exemples, du moins à Maâtkas, de production en grande série proprement artisanale, avec la participation des femmes, mais aussi des hommes, au niveau, surtout, de la recherche des matériaux (talakht et ses ingrédients), de la cuisson (tukda) ou encore de la commercialisation. Néanmoins, la poterie affirme une identité collective, celle du groupe, donc de la famille berbère.

La terre, ce matériau disponible et gratuit
La fabrication des poteries kabyles n'utilisait finalement que des matériaux imposés par le milieu géologique immédiat ou environnant. Et le résultat apportait des solutions satisfaisantes par rapport aux besoins de ce monde, dont les conditions socioéconomiques avaient également peu évolué jusqu'à l'indépendance. Réduite en nombre, dégradée en qualité, la poterie est aujourd'hui en voie d'extinction, remplacée dans cette région par une production à usage utilitaire et de décoration. L'aspect commercial a tendance finalement à s'éclipser. L'argile qui, jadis, faisait partie de l'environnement de tous les jours dans tous les villages de Kabylie, particulièrement à Maâtkas, Beni Zmenzer, Beni Douala, Mekla, Tizi Ghenniff…, est remplacée par le béton et autres matériaux modernes. En effet, point de murs intérieurs des maisons crépis à la terre, modelés et décorés, plus d'étagères, plus de kanoun, plus de réserves de grains (ikufan)... bâtis en terre séchée.

En somme, disparus tous ces décors pittoresques qu'on nous envie partout, d'ailleurs.

L'indispensable sauvegarde de la poterie
De l'avis des spécialistes, les femmes kabyles sont certainement les plus imaginatives dans la création des décors qui ornent et les poteries et les maisons. Les techniques, les décors et le design sont toujours fidèles à une tradition ancestrale et ils sont transmis de mère en fille avec peu de modifications de génération en génération.

Aujourd'hui, dans certains villages (Aït Aïssa Ouziane, Takhibt, Cherkia), nous pouvons retrouver des pièces anciennes, mais parler de leur âge est très difficile, car elles ont pu résister à de multiples "assauts" du temps. Certains avancent le XVIIe ou le XVIIIe siècles avec des doutes.

La région de Maâtkas a toujours revendiqué la réalisation d'un musée des arts traditionnels pour la pérennité de ces trésors.

Mais, hélas, même cette traditionnelle fête de la poterie que cette commune abritait chaque année est remise aux calendes grecques pour des raisons liées à la conjoncture particulière que vit la région de Kabylie.

Aujourd'hui, cette indifférence dont nous faisons preuve face à l'extinction de nos différentes activités traditionnelles est plus que criminelle. Elle devra être bannie et tout le monde (pouvoirs publics et société civile) doit s'investir pour redorer le blason de nos arts légués par nos aïeux, qui ont su, eux, les pérenniser.

Un chercheur en archéologie bien de chez nous dira fort à propos : "Nous sommes tristes aujourd'hui d'être les témoins de l'oubli, mais faisons en sorte d'être les artisans de la mémoire." No comment !

Liberté 31/12/2003


Source: http://www.tamurth.net/article.php3?id_article=468

Publicité
Commentaires
Publicité
Albums Photos
Publicité