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Zighcult
3 novembre 2006

MARIAGE CHEZ LES ATOUCHKEN

Lorsque un jeune homme amazighe achtoukien désire se marier ou en âge de se marier, c'est généralement les parents qui prennent l'initiative. Quand c'est le garçon, il ne le dit pas ouvertement. Les règles de la pudeur obligent. Mais, il peut le leur faire comprendre. Par exemple en boudant sans aucune raison ou tout simplement en refusant de manger avec sa famille.

Une fois que la décision de marier le jeune homme est prise où généralement la mère a joué un rôle déterminant, on passe en revue toutes les filles mariables de la famille. On évite bien sûr les familles qui ne sont pas du même niveau social de crainte de recevoir un refus net et catégorique. Ce qui peut être le cas d’une famille très riche qui voudrait à coup sûr s’allier avec une autre famille tout aussi riche.

Pour ne pas être blessée dans sa fierté en cas d’une réponse négative, la mère commence à tâter le terrain en lançant sa demande en guise plaisanterie à la mère de la fille choisi. Si celle-ci est intéressée, elle va prendre les choses plus sérieusement et cherchera à en savoir davantage. Dans le cas contraire, on fait comme c'est de rien n'était. Ou tout simplement, on fait semblant de ne pas entendre, ni de comprendre.

A supposer que la mère de la fille est d'accord. On en discute plus sérieusement. Celle-ci se charge de transmettre la nouvelle au patriarche à qui, en fait, revient la décision finale. Dans le cas où les deux familles se connaissent, on n'a pas vraiment besoin de faire une enquête. Mais si ce n'est pas le cas. On vérifie bien que la famille demandeuse est bien amazighe. C'est à dire qu'elle n'est pas d'origine noire.

Aussi bizarre que celui puisse paraître, on procède toujours ainsi même à ce jour. Et cela pour éviter la honte d'avoir donné sa fille à des noirs. Cela relève du racisme pur. Mais c'est ainsi. Le pire, c'est qu'il y a des familles blanches, mais on s'interdit de se mélanger avec eux. Car on pense qu'elles sont d'origine noire.

A supposer que le père est d'accord. Les "imsiggilen", composés généralement de la famille du marié, des oncles, des tantes et mêmes parfois les grands parents, viennent demander officiellement la main de la fille en ramenant des cadeaux, "liHsan". On ne procède pas ainsi que lorsqu'on est sûr que la fille de la mariée est tout à fait d'accord. Ceux qui se font rabrouer peuvent être la risée de tout le monde pendant des années.

Lors de cette visite solennelle, les adultes discutent de tout et de rien autour d'un grand tajine. Les hommes n'abordent que rarement la question pour laquelle ils sont venus. Par pudeur et surtout par tradition. On voit facilement à la qualité de l'accueil si tout est positif. En revanche, les femmes, elles, discutent plus ouvertement et sans aucune gêne du mariage et de ses modalités et même parfois décident du jour de la fête. Mais rien ne peut se faire sans l'aval des patriarches.

Des semaines avant la fête, on se prépare à tous les niveaux. Les murs qui sont recouverts à la chaux et parfois même on construit d'autres chambres pour accueillir tous les invités. Rien n'est laissé au hasard car les invités peuvent relever la moindre faille pour critiquer parfois impitoyablement le mariage de telle ou telle famille. Tout doit être organisé d'une façon minutieuse et surtout faire en sorte de ne pas blesser les subtilités. Il faut se montrer sous le plus beau jour.

Le jour de la rédaction de l'acte du mariage. On invite carrément les "adouls", pour les familles les plus aisées, à la maison avec certaines personnes très proches de la famille et surtout connues par leur sagesse. Leur travail consistera en plus d’être des témoins faire une évaluation des différents bijoux et autres cadeaux que le marié a offert à sa fiancée . Tout se passe généralement dans la bonne humeur sauf parfois lorsqu'on ne s'entend pas sur la valeur d'un objet. Alors là, ce sont des palabres et des marchandages qui peuvent durer des dizaines de minutes. Mais tout rentre dans l'ordre en psalmodiant des versets coraniques en guise de bénédiction de cette nouvelle union. Ce n’est qu’à la fin que les "adouls", qui sont généreusement payés, procèdent à rédaction de l’acte du mariage (lkighd).

Par la suite, les femmes décident du jour de la fête, avalisé bien évidemment par les patriarches, qui doit prendre en compte la présence de la famille éparpillée un peu partout que ce soit au Maroc ou à l’étranger. La meilleure période est généralement les mois de juillet et août.

Quelques jours avant le jour fatidique, on fait une cérémonie d'"afran", ponctués de chants rituels, par un groupe de femmes qui sont des voisines ou de la famille. Autrement, on prépare les grains qui vont servir de farine au pain (aghrum ufarnu) qui va être servis aux invités. Et en même temps, on construit un four en terre de pisé (afarnu) pour sa cuisson.

Une journée avant la fête (tamghra), on prépare le pain et on égorge le taureau. Pour que le lendemain tout soit prêt. Idem dans la famille de la mariée.

Il faut rappeler que généralement le marié n'a pas encore le temps de voir sa femme. Il ne la découvre que le jour de son mariage. Mais ce n'est plus le cas maintenant. Le marié a déjà perçu la fille sur laquelle il a jeté son dévolu lors d'une autre fête où généralement la fille a dansé. Parfois même, mais c’est très rare, ils ont déjà discuté au détour d’une ruelle (tasukt) ou d’un jardin ( agrur) à l’abri des regards des gens et surtout de la famille. Chez les Achtouken, les relations homme/femme sont très strictes.

Au soir de la fête chez la famille du mari, on prépare un baluchon (ukris) où on met des babouches ( tidukin) et plein d'autres objets. Et un groupe de femmes et d'homme se chargent de le ramener à la maison de la mariée. Le moyen de transport le plus prisé chez les Achtoukens est le tracteur. Oui, la nature sablonneuse des Achtouken et surtout l'agriculture à laquelle ils s’adonnent expliquant cela. Quoique maintenant, ce sont les fameux pick up ( BBIJJO 504) ou carrément des voitures de haut de gamme (Mercedes, certainement pour impressionner la famille de la mariée et leurs invités) qui sont de plus en plus utilisés.

Les (id bukris) sont chaleureusement accueillis avec des litres du parfum le plus utilisé, les Rêves d'or ( Refdor). Bien sûr, il faut qu'ils mangent aussi. Et ils restent tard dans la soirée et en profitent pour mesurer l'hospitalité de leurs hôtes. Ils ne se gênent non plus d’assister et même parfois de participer à AJMAK ( une danse masculine propre à Achtouken ) ou parfois rways ou des groupes musicaux modernes jusqu'à l’aube. Idem dans la famille du marié où les festivités battaient leur plein concomitamment.

Le lendemain, la fiancée doit se préparer à venir dans la maison de son mari. Toute une mise en scène est mise en place pour cela. La tislit est parée des tous ses bijoux, emmitouflée dans un tissu blanc grossier(afaggu), un bouquet de basilic que retenait un turban ( rezza) sur la tête, les yeux sertis de la fameuse de pierre d'antimoine (0taZult), la bouche rose à force de mâcher des petits morceaux du noyer(teswik). Ce moment est connu par l’émotion forte. Car c’est là que la jeune fille se sépare de sa mère et de sa famille. Il n’est pas rare de voir que toutes les femmes sont en pleur. La « tislit » peut même pleurer à chaudes larmes et parfois crier à tue tête. Il faut dire que la « tislit » est généralement très jeune. Elle ne dépasse les 15 ans. Autrement, une toute petite jeune fille qui n’est pas souvent préparée à ce genre de situations. Mais on n’en a cure. Le principal, c’est qu’elle se marie.

Accompagnée de « timnegfin », elle est transportée dans une BIJJO ou parfois si elle est d’une famille aisée dans une voiture rutilante. Arrivée devant la maison de sont futur mari dont la porte est fermée, c'est le "tanggift" qui est entonné par les femmes pourvues de voix stridentes. Ce chant nuptial est d'une tristesse à faire pleurer une pierre. De temps l’une des femmes donne un coup fort sur la porte pour marquer certainement leur venue.

Bismi illa urrahmn irrahim
Wa illi ad akw ur tallat
Ayt ma-m d ist ma-m
Kad am issuteln….

En même moment, du haut de la maison, l' « isli » tout beau dans sa tajllabit immaculée avec son poignard, jette sur les "timnegifin" et le public des ingrédients qui dénotent tous la fertilité: des dattes, du henné, du sel, et même les fruits de l'arganier (tafyyuct). C’est l'occasion pour les enfants de se faufiler entre les femmes et même parfois de bousculer les gens pour chercher les dattes.

L’Isli accueille son épouse avec un homme, généralement chevronné et digne de confiance, dont la seule tâche d’accompagner systématiquement l’ « isli » dans tous ses déplacements afin non seulement de le protéger de toute tentative malveillante, mais aussi de lui montrer les rites à suivre. Il faut rappeler que les « Islan » sont souvent victimes de « tuqna ». Une coup magique qui empêche l’isli d’avoir toutes ses capacités sexuelles le jour « j ».

A la rencontre de son épouse devant le portail de la maisonnée, l’isli prend un peu de beurre fondu « udi » qu’il lui sert sur la lame du poignard. La tislist l’avale immédiatement. Ensuite, c’est un échange de lait. L’Isli sert la tislit le premier. Ensuite, c’est la tisilit.

Après ce rituel que je vous ne raconterais pas malheureusement avec force détails, la mariée est installé dans une grande pièce avec la gente féminine invitée. C’est là que celle-ci distribue des bonbons et les dattes aux enfants et aux jeunes hommes de la maisonnée.

L’Isli lui disparaît pour éviter le mauvais œil ou tout acte maléfique en attendant de retrouver sa fiancée le soir. Pendant ce temps là, la fête bât son plein après avoir fait manger tous les invités pour éviter toute critique probable. Parfois, on insiste auprès des gens pour qu’ils mangent. Tout cela pour signifier qu’on est chez des gens très accueillants.

Le soir, tout le monde vide la maison où doit avoir lieu le premier contact entre les deux mariés. C’est là qu’il font vraiment connaissance. On raconte qu’il y a tout un échange magico-rituel entre les deux . On m’a rapporté par exemple que la femme frappe son mari avec un babouche pour lui signifier que c’est elle qui va porter la culotte dans le futur couple. Ce n’est qu’après qu’on passe à consommation de mariage qui ne se pas forcément dans les meilleures conditions vu le stress que ce soit de tislit et de son isli. Et c’est le lendemain qu’on vérifie si l’épouse est bien vierge et si l’homme « assure ». Mais on n’expose pas forcément le drap blanc taché de sang. Je n’en ai jamais vu personnellement.

Trois jours après, les parents de la mariée viennent rendre visite à leur fille pour la féliciter. Une semaine après le mariage, la fille rend visite à ses parents ( isyan) en compagnie de son mari et ses beaux parents.

iwisi-u-sus
3-05-04


Com posté en réponse:

Le point évoquant l'enquête sur les origines des familles (noir), me rappelle une anectode. Lors du mariage d'une de mes cousine , qui s'était unie avec un jeune homme noble d'une tribu noire aux alentours de Ouarzazate.
La mère de la mariée a caché l'origine de cette tribu et le soir en arrivant au village de celui-ci, l'entourage de la mariée découvre que le village est peuplé d'une population de couleur. Stupéfaites certaines femmes (du côté de la mariée) ont passée la soirée à maudire la mère de la mariée et exprimer leur dégoût et leur déception, elle avait menacé touda (la mère de la mariée) de répondre la nouvelle le lendemain en arrivant à ouarzazate à tous les hommes de notre valllée (qui réunis plusieurs village) pour venir récupérer la jeune fille " humiliée".
Enfin bref! quelques mois après la fille est tombée gravement malade et le village du marié craignait le pire pour la fille. Ne voulant pas se retrouver en conflit avec les hommes de notre vallée, ils ont du appelé la famille de la fille, qui a décidé de la rémener immédiatement à ouarzazate et imposer une séparation officielle du couple.

Le pardoxe de cette histoire, les femmes du côté de la famille de la mariée étaient choquées par cette union, en oubliant que le village du marié était amazigh.
Et dans le village du marié elle était accueuillie comme une princesse, le marié était heureux d'épouser une femme blanche et de plus une rousse aux yeux verts.
C'est triste pour l'homme il était fou amoureux d'elle! :-(

Ps: la fille était consentente et sa maladie n'était qu'une fatigue intense qui ne réclamait que du repos, une fille de la ville en campagne c'est un "imik" épuisant.

SOURCE

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