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Zighcult
15 janvier 2007

Les 1ère Assises du Livre (11 décembre 2002)

Discours de Madame Khalida TOUMI,

Ministre de la Communication et de la Culture,

Porte-parole du Gouvernement

Les 1ère Assises du Livre

Bibliothèque du Hamma

11 décembre 2002

Messieurs les Ministres,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue dans ce lieu du livre et de la culture et de vous remercier de votre présence marquant ainsi, votre intérêt pour le problème du livre en Algérie.

Mesdames et Messieurs,

le Ministère de la Communication et de la Culture exprime toute sa satisfaction de voir s'ouvrir "les assises du livre” qui, nous le souhaitons très vivement, marqueront un bon départ pour un partenariat État - société civile en vue de l’élaboration d'une politique nationale du livre.

Nous saluons donc, l'ouverture de ce débat et nous félicitons le Syndicat professionnel du livre en la personne de sa présidente, Mademoiselle Radia ABED, pour cette initiative et pour toutes les autres actions menées afin que le livre ait la place qui lui revient dans notre pays, comme nous remercions aussi, tous les participants qui enrichiront, sans nul doute, le débat, de leurs expériences et de leur réflexion.

« Les assises du livre » ont, de notre point de vue, la mission de participer à préciser le concept de « Politique Nationale du Livre », d’en justifier la nécessité par rapport à la nouvelle donne induite par un contexte où une économie planifiée, centralisée cède le pas à une économie de marché, ouverte à l'innovation et à la mondialisation place l'Algérie face à la diversité culturelle, à l'échelle planétaire, et l'Algérien, face à de nouveaux défis.

Ce sera l'occasion aussi, de clarifier la relation de travail entre le secteur public existant et le secteur privé naissant, afin d'identifier des repères pour une coopération effective, équilibrée et efficace.

Le livre est à la fois un produit culturel, industriel et commercial.

Il constitue un enjeu stratégique dans la politique culturelle et dans l'économie du pays, puisque le livre se fabrique, se vend, s'achète, s'importe, s'exporte et suscite le développement de secteurs importants où des éditeurs, des importateurs, des imprimeurs, et des libraires sont directement impliqués à travers des investissements considérables.

Il pourrait être aussi considéré d'un point de vue esthétique, au sens matériel du terme, comme produit d'une composition technique qui ne cesse de se perfectionner et qui exige de plus en plus une technologie de pointe, une main d'œuvre spécialisée et une matière première de qualité.

Cependant, les perspectives techniques et économiques incontournables, ne doivent pas occulter la perspective intellectuelle car, quelles que soient les diversités d'interprétations, un fait essentiel demeure: la finalité culturelle du livre.

Car, parler du livre, c'est, pour nous, parler du rôle fondamental qu'il joue dans l'élaboration de la pensée et de la formation.

Parler du livre, c'est, pour nous, parler de ce lieu divin, de ce véhicule incomparable, de cette source irremplaçable à laquelle on puise les savoirs des plus encyclopédiques aux plus ludiques.

Le livre, la culture de l'écrit, c'est l'âme d'une nation, la mémoire d'un peuple. C'est un patrimoine qui se constitue de proche en proche, en même temps que se déroule l'histoire du pays. Fixer ses idées par l'écriture a toujours été une préoccupation de l'humanité. Prenant comme support la pierre, l'os, le bois l'argile la peau, le papyrus, et le papier, l'homme a toujours eu l'intuition que l'écrit, la trace, permettait la communication par delà le temps et l'espace.

C'est pourquoi, nous jugeons dangereux et inadmissible l'amalgame qu'on fait souvent, entre le livre et les autres produits de consommation lorsqu'on élabore des textes de lois régissant les finances et le commerce dans notre pays. Il n'y a aucune comparaison entre la politique de diffusion du livre et celle d'une marchandise.

Si une PNL s'impose pour designer le cadre dans lequel toute action pour la promotion d'un livre de qualité trouve son sens, il faudrait d'abord cerner une finalité, autrement dit, formuler un énoncé d'intentions qui résumerait ce vers quoi on tend par cette campagne autour du livre.

Ce serait, de notre point de vue, dans ce cas précis la démocratisation qualitative de la culture qui se réaliserait à travers une action de proximité où le livre comme instrument de formation, véhicule de connaissances et de cultures, objet esthétique, serait mis à la disposition du consommateur en temps voulu, en tout lieu et à un coût raisonnable.

Il est évident que toute politique du livre en Algérie, ne saurait atteindre son objectif fondamental, à savoir la formation d'hommes, si elle ne s'inscrit pas dans la modernité et dans l'universalité et surtout si elle ne se donne pas les moyens pour le réaliser.

Par ailleurs, cette finalité donnerait lieu à diverses stratégies: ce serait d'abord un plan d'action pour la mise en place de services éditoriaux performants. La politique nationale du livre a pour objectif le recensement d'un ensemble de paramètres incontournables pour le développement d'un réseau de production qui devra répondre à des exigences de quantité et de qualité. Mais il est difficile de réaliser la qualité désormais requise, sans se doter d'une technologie de pointe, sans utiliser une matière de premier choix et sans techniciens qualifiés.

La politique nationale du livre permettra, ensuite, de concevoir des dispositifs pour procurer un soutien financier aux différentes composantes du système mis en place: aides directes ou indirectes, régimes fiscaux spéciaux, lignes de crédits bancaires où le livre serait reconnu comme garantie. La qualité se paye et le souci est le suivant: comment faire un beau livre solide à peu de frais ? Question cruciale adressée à tous les partenaires qui doivent trouver la réponse, en imaginant peut être, des moyens d'aides complémentaires.

La politique nationale du livre, devrait traiter de la question préocccupante de la diffusion pour diversifier les implantations, en renforçant ce qui existe et en créant ce qui manque

Ce serait dans l'ordre:

l/ un réseau de bibliothèques au service d'une lecture publique: le statut de ces établissements est à repenser dans le sens de l'autonomie et de la qualité de la gestion et de la prestation.

Dans ce sens, le rôle de la Bibliothèque Nationale est fondamental pour le développement de la lecture publique. C'est pourquoi nous avons rendu la Bibliothèque Nationale aux gens du livre en nommant à sa tête un illustre écrivain, Amine ZAOUI.

2/ un réseau de libraires car il faut que la librairie fasse partie du paysage culturel de l'Algérie en tant que structure commerciale certes, mais aussi en tant que lieu de rencontre du livre et du lecteur. La librairie, nous la voulons comme un espace d'accueil et d'orientation du lecteur, et d'exposition du livre.

3/ l'importation qu’il faudra réglementer pour éviter les abus,

4/ la création de structures de stockage et de messagerie pour rationaliser l'acheminement du livre vers le lecteur.

La mise en place de toute cette infrastructure doit servir bien évidemment une production abondante et de qualité. Nous aimerions voir se développer la production d'un manuel scolaire qui répondrait aux critères de qualités pédagogiques, esthétiques et scientifiques, d'une littérature de jeunesse regroupant des genres et des récits variés mis au goût du jour et répondant aux attentes de l'enfant, du livre de fiction et du livre d'idées, du livre d'art aussi, et d'une documentation qui offre une information usuelle. Comme nous aimerions voir s'activer la traduction, une traduction de qualité qui abolirait les clivages linguistiques et permettrait la circulation des savoirs et des idées. Les métiers de restauration de vieux livres et de conservation de manuscrits anciens doivent également faire partie des préoccupations de la politique nationale du livre.

Le livre en braille ou le livre sonore pour les non voyants, comme le livre électronique pour les handicapés moteurs, sont aussi à prendre en considération pour répondre à des besoins d'apprendre et de se distraire d'une partie des Algériens.

La politique nationale du livre doit intégrer dans sa préoccupation la coopération dans les différentes actions autour du livre: projets de formation, d'échanges d'expériences et de fonds documentaires, de coédition et de manifestations culturelles autour du livre (salons du livre). La traduction pourrait aussi être un terrain favorable pour une coopération entre l'Algérie et d'autres pays.

Une aide logistique, en matière de création d'infrastructures et de pratiques de formation assurerait la cohérence et la cohésion de toutes les interventions pour la croissance harmonieuse du secteur.

Cela signifie la mise en place d'une politique de formation adéquate permettant de qualifier les agents responsables de la création et de la consommation de l'écrit, autrement dit, tous les professionnels du livre, de l'auteur au lecteur en passant par l'éditeur, l'imprimeur, le diffuseur, le libraire et le bibliothécaire.

Mais, tout le monde ne peut pas être éditeur, imprimeur, diffuseur, libraire: nous avons affaire à des métiers mais aussi à une éthique et une déontologie.

Le livre restera la propriété intellectuelle d'un auteur. Il ne peut y avoir de livre que s'il y a un auteur qui le conçoit. C'est une vérité qui ne se discute pas. La qualité et la quantité de la production du livre dépend du nombre, de la formation et du statut social des écrivains. Le degré de développement culturel d'une nation se mesure aussi, au potentiel humain producteur du livre. D'autres avant nous ont prévu de prendre en charge la formation d'auteurs spécialisés, ont développé des systèmes performants. Pourquoi ne pas prévoir ce type d'action en associant l'université pour une formation à l'écriture, notamment l'écriture de fiction dont on connaît la portée sous d'autres cieux.

On ne s'improvise pas lecteur: on le devient, tôt ou tard, mais on le devient. Permettez - moi une digression qui consiste à demander à l'Unesco de pourvoir tous les pays en voie de développement du livre de PENNAC ' comme un roman' qui est une méthode pour apprendre et transmettre l'amour et le désir de lire.

On ne s'improvise pas lecteur, on le devient, surtout à l'école bien sûr, où une initiation méthodique installera les compétences et les comportements de lecteur chez l'apprenant. La PNL doit penser à des stratégies pour que le livre fasse partie de l'environnement immédiat de l'enfant, mais doit aussi veiller à la conception de plans de formations scolaires et péri-scolaires qui s'inscriraient dans cette dynamique. L'enseignant reste la pierre angulaire dans cette formation: comment le motiver, l'initier à la culture du livre et l'inciter, lui-même, à lire. Le statut et le profil de l'enseignant doivent figurer comme éléments de cette politique. La formation initiale doit être complétée certes, par la formation en situation d'emploi, mais il existe d'autres moyens de stimulation qui pourraient révéler à l'enseignant ses talents cachés: concours, publication, rencontres pour échange d'expériences.

Nous sommes confiants dans le travail colossal que mène actuellement le Ministère de l'Éducation Nationale dans le chantier de la formation des formateurs, dans le cadre de la réforme voulue et initiée par Monsieur le Président de la République.

Le livre conçu et produit est destiné à être acheté et lu; mais l'achat d'un livre suppose un choix et cela ne va pas de soi: un livre fermé est un inconnu qui intrigue et souvent n'engage pas le lecteur dans une dépense qui ne garantit pas la contre partie. Une initiation préalable du lecteur doit associer les médias. Le commentaire critique à travers une diffusion régulière et adaptée formerait le lecteur potentiel et l'intégrerait dans le circuit de la consommation intellectuelle.

D'où la nécessité de former en collaboration avec l'Université et les médias audiovisuels et écrits, des critiques littéraires.

L'acquisition du livre en librairie reste néanmoins, tributaire de son coût que le salaire du citoyen moyen ne peut supporter. Or c'est dans cette tranche de la population qui est la plus nombreuse, qu'il faut agir. Quels moyens faut-il imaginer pour que le livre s'achète ? Chèque liste ? Prime culturelle ? Nous sommes toute ouïe à vos propositions.

Il faut aussi évaluer les effets de cette politique en tant qu'analyse des besoins, une fois mise en place. C'est en fait la phase cruciale, l'heure de vérité, où tous les secteurs devront juger la pertinence et la cohérence de leurs actions. Là aussi, c'est toute la culture de l'évaluation qu'il faut repenser, maîtriser et pratiquer régulièrement. c'est par des dispositifs d'évaluation intégrées aux actions que le degré d'atteinte des objectifs de départ peut être mesuré. Le rendement d'une action suppose une intention de départ, des moyens de mise en oeuvre.

Les efforts conjugués de tous les secteurs trouveraient ainsi leur justification.

Il s'agirait alors, d'identifier les agents et secteurs susceptibles de faire fonctionner un système complexe, chacun à son niveau: la communication et la culture, l'éducation nationale, mais aussi les finances, le commerce, la jeunesse et le sport, les oeuvres sociales, l'enseignement supérieur, la formation et l'enseignement professionnels, le ministère de l'intérieur et des collectivités locales, les élus locaux et nationaux d’un côté, et l'édition/ diffusion dans sa double dimension (publique/privée) de l'autre. Ces différents secteurs identifiés et impliqués seraient les partenaires les plus appropriés pour soutenir la politique nationale du livre dont l'impact se mesurera par le développement de la culture. Il suffirait, alors de penser un espace de réflexion, de rencontre et de décision (un organisme) qui éliminerait les lenteurs et les dysfonctionnements administratifs.

Notre volonté comme nous avons eu à le dire, est de faire du livre et de la lecture un axe stratégique du développement culturel de l'Algérie. C'est là l'une des principales actions dans notre projet de démocratisation de la culture.

Nous voulons rétablir et garder le contact entre le livre et le lecteur, et faire de l'Algérien un grand lecteur, un consommateur de l'écrit dans sa grande variété et dans son sens le plus noble.

Telle est notre volonté, et nous entendons la réaliser, la soutenir avec l'aide de tous les amis du livre.

Philippe DJIAN écrit dans son livre « l'ardoise »:

» Il y a cette idée de voir quelque chose. D'être redevable. D'avoir une ardoise quelque part. Et un jour, il faut régler ses comptes.

Ma dette, envers certains écrivains, ne sera jamais réglée.« 

Quant à moi, je rêve du jour où le peuple Algérien sera le peuple le plus endetté envers les écrivains.

SOURCE

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