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Zighcult
20 février 2006

La jeune fille et la mère-Leïla Marouane

La jeune fille et la mère de Leïla Marouane

Un roman choc, un roman phare, un roman terrible et essentiel sur la condition des femmes algériennes par Leïla Marouane. Le destin d’une femme, la mère et celui de sa fille si tôt pubère et avec qui on va vivre en pleine adolescence toute la tragédie des femmes. La mère fut une héroïne de la guerre d’Indépendance. Elle rêvait pour elle aussi, pour sa vie personnelle et celles des autres femmes une vie qui rimerait avec les mots choisis pour le pays. Las, ce sont les hommes qui reconstruisent le pays et cela dans le respect de la tradition. La vie de la mère ? La cuisine, l’enfermement, la couche d’un mari non choisi, les grossesses à répétition, de plus en plus aussi toutes les rigueurs de l’Islam. Défaite d’un combat non mené, elle rumine une rancoeur qui au terme de sa vie la fera sombrer dans la folie. Défaite, elle surinvestit en des espoirs pour sa fille aînée. Ecole, diplômes, Europe. Vie autonome et fuite de tous les travers de toutes les traditions. Mais que se passe-t-il lorsque la Tradition est la plus forte ? Lorsque les espoirs ne sont pas au rendez-vous ? Lorsque surtout la révolte d’une ado ne correspond à celle programmée par la mère, en matière de sexualité notamment ? C’est cela ce roman fort,dense,terrible,manifeste.

La jeune fille et la mère de Leïla Marouane aux Editions du Seuil

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Auteur:
Leïla Marouane

Date de diffusion:
26/04/2005

La jeune fille et la mère
Par Leïla Marouane
Le roman de Leïla Marouane livre le témoignage poignant d’une jeune fille algérienne confrontée à la violence. Violence de l’autorité patriarcale, du poids des traditions envers les femmes, violence de sa mère également. Cette femme qui s’est battue pour l’indépendance de son pays et qui se retrouve confinée aux travaux domestiques entre fausses couche et grossesses. Elle voulait pour sa fille une vie meilleure que la sienne, faite d’études à l’université et de liberté. Mais elle est aussi prisonnière du carcan de la tradition qui exige notamment la virginité des jeunes filles au moment du mariage. C’est peut-être cet acrobatie délicate entre préservation de l’honneur de la famille et ambition pour sa fille qui mène cette mère au bord de la folie. Mais serait-ce une folie feinte pour sauver sa fille d’un destin similaire au sien ?
Ed. du Seuil, 2005, 176 p., 15 euros

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« Ma mère n'était pas censée posséder de l'argent, elle n'allait pas chez le coiffeur ni au hammam, et encore moins aux mariages, mon père lui interdisait tout. ».

Naguère, cette femme incarnait pourtant le réveil des femmes algériennes et leur engagement décisif dans la bataille contre l'occupant français. Résistante dans l'âme, celle qu'on appelait la Jeanne d'Arc des djebbels a vu ses illusions s'envoler avec l'indépendance. On lui avait promis l'instruction ainsi qu'une société débarrassée de ses chaînes, elle ne connaîtra qu'une alternance de grossesses, de fausses couches, de coïts forcés et de menaces de répudiation. Tous ses espoirs, sa furieuse énergie de combattante, elle les projette aujourd'hui sur sa fille, qui subit à son tour la tyrannie du père. Mais la fille est-elle prête à recevoir un tel héritage ? Pourquoi n'est-elle pas à la hauteur des idéaux de sa mère ? Pourquoi le feu engendre-t-il la cendre ? Dans une langue inquiète et virevoltante, insaisissable, la jeune fille livre le récit glaçant de son anéantissement sous le poids de l'autorité paternelle d'une part et de l'incontrôlable souffrance maternelle d'autre part...

En quelques mots
Un été dans les années 70, dans une famille algérienne, une violence refoulée depuis trop longtemps explose enfin : la haine des femmes, transmise ici de mère en fille... 

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El Watan 10 mars 2005

Leïla marouane, du côté de la condition féminine
Une implacable mise à nu
      Rachid Boudjedra a secoué la littérature algérienne avec son premier roman La Répudiation, en abordant des thèmes tabous. Trente-six ans plus tard, une romancière algérienne, Leïla Marouane, ose écrire comme l’a fait Boudjedra en 1969 en signant son troisième roman La Jeune Fille et la Mère.

      Cet ouvrage est écrit avec la même veine, la même force, la même impudeur que La Répudiation. En 2005, Leila Marouane jette par-dessus bord toutes les inhibitions en créant des personnages féminins qui s’expriment crûment sur des sujets que ses consœurs ont abordé avec détermination mais avec pudeur. En cette semaine du 8 Mars qui donne aux femmes la possibilité symbolique de manifester leur révolte afin d’être reconnues en tant que personnes à part entière, il m’a semblé opportun de vous présenter ce roman de Leïla Marouane qui raconte, avec un réalisme à vous couper le souffle, les mésaventures de Djamila, cette jeune fille d’une famille modeste du Sud algérien, qui parle de sa sexualité, de sa libido, de ses blessures psychologiques, de ses rapports difficiles avec sa mère, avec lucidité et véracité.
      Le récit tragique de Djamila débute ainsi : son père la voit nue, en train de faire l’amour avec l’ébéniste du village dans le jardin public. Pour étouffer un éventuel scandale, il veut absolument la marier en s’assurant d’abord que sa fille est toujours vierge. Dans une scène absolument fellinienne, le père emmène sa fille à l’aube chez une ancienne accoucheuse qui habite les quartiers pauvres, pour vérifier si le précieux hymen est toujours en place.
      Djamila se prête sans réticence à l’examen, puisque sa mère vérifie l’état de la membrane de sa fille depuis l’âge de cinq ans, depuis que son cousin a failli la violer et Djamila raconte son calvaire, narre comment sa mère devient la gardienne la plus farouche du temple traditionnel de l’homme :
      « Tu la perds (elle ne prononçait jamais le mot virginité) tu la perds, et c’est la fin de nous, c’est la fin de tout, tu la perds, et ton père nous jette dans le désert, tu la perds et tes frères et sœurs seront orphelins à la merci des vampires. Tu la perds, et je t’égorge. »

Une fille rebelle

      Leïla Marouane ne s’encombre pas de périphrases ni de figures de style, elle appelle un chat, un chat. Si la question de la virginité est devenue dans de nombreux milieux une affaire privée entre époux, il n’en va pas de même pour la majorité. Djamila n’échappe pas au certificat de virginité du médecin officiel avant le mariage qui n’aura pas lieu. Ces inspections répétées depuis son plus jeune âge, les mises en garde vis-à-vis des garçons, la malédiction d’être une fille... sont autant de cris de douleur de ce personnage époustouflant qui parle de ses actes les plus intimes, de ses fantasmes sexuels, comme aucune romancière algérienne ne l’a fait à ce jour, si ce n’est par allusion.
      La dimension fictionnelle donne au texte une épaisseur certaine : « Elle m’auscultait munie d’une loupiotte à pile, qui m’humiliait, qui me mortifiait, à laquelle je ne m’étais jamais habituée, c’est peut-être pour ça, me dira-t-on, que mes premiers poils pubiens ont poussé blancs, et le sont restés, blancs comme neige, une barbe de père Noël en verdirait de jalousie. » Les termes utilisés par Leïla Marouane sont forts, ils veulent certainement choquer, frapper l’imagination pour dénoncer la position méprisante dans laquelle se trouvent certaines jeunes filles.
      Exaspérée par cette fille rebelle, la mère ne l’appelle plus que « chegfet boul » (craquelure de pisse), démontrant que certaines femmes ont intégré l’automépris. Même victime, une fille est toujours responsable d’un viol. La mère réussit à faire croire à Djamila que l’épisode du cousin ’n’a eu lieu que par sa seule faute, et donc elle est traitée de « chienne en chaleur ». La mère devient bourreau.
      Leïla Marouane réussit le tour de force de montrer comment la femme défend l’idéologie machiste à son insu. Elle devient son propre ennemi. Au-delà de l’histoire de Djamila dont les frères disent qu’heureusement « ils ne sont pas des filles dans ce pays », la romancière campe le portrait d’une mère qui a fait la révolution, qui a cisaillé les fils électriques de la ligne Morice, qui a milité auprès de ses frères de combat.
      Cette femme libre pendant la révolution, pensait continuer à l’être après l’indépendance, qu’elle serait une citoyenne à part entière, respectée. Mais cela n’a pas été le cas, et elle s’est retrouvée dans une situation qu’elle ne désire pas pour sa fille à qui elle dit : « Et qu’est-ce qu’une femme mariée sinon un dépôt de spermatozoïdes ? Un nid d’avortons ? » Bafouée, battue, répudiée maintes fois, subissant le mépris de la maîtresse du mari, elle devient une « Folcoche », une machine à faire des bébés tous les dix mois.
      La répudiation est un traumatisme pour les enfants. Cette mère qui voulait que sa fille fasse les études qu’elle n’a pas faites, devient victime du qu’en-dira-t-on et se transforme en terreur, sombrant dans la folie. Cette moudjahida n’a connu que la douleur et la trahison après l’indépendance. Les femmes sont retournées à leurs fourneaux avec des lois indignes que Djamila dénonce. La Jeune Fille et la Mère, un ouvrage riche et fort, où cette fois c’est une fille qui règle ses comptes avec sa mère.

Leïla Marouane, La Jeune Fille et la Mère, Paris, Seuil, 2005.

Benaouda Lebdaï
El Watan 8 mars 2005
La Jeune fille et la mère
Belles et rebelles
      La mère et la fille. Sans le frère ni le père. Les victimes et les bourreaux. Le dernier livre de Leïla Marouane est un réquisitoire de l’Algérie indépendante.

      Que sont devenus nos idéaux ? Les femmes sont montées au djebel, ont posé des bombes, fabriqué des drapeaux durant la guerre de libération. Sept ans à souffrir avec les hommes, plus que les hommes. Puis, direction la cuisine et les cliniques d’accouchement. Puis, le code de la famille. Puis, tous les illuminés, barbus ou glabres, en tenue afghane ou en costume-cravate. La femme a cessé d’exister en 1962, un certain 5 juillet, pour servir l’homme.
      L’Algérienne est devenue mère, sœur, épouse féconde, mais jamais complice, jamais l’égale. Trahie par ses anciens camarades, embourgeoisés par le parti unique, trahie par ses sœurs de combat pour des postes dérisoires dans un appareil d’Etat englué par ses contradictions. Les fols espoirs des premières années d’indépendance se sont évaporés sur les coups de butoir des gardiens de la morale, ces conservateurs qui n’ont pas levé le petit doigt pendant la lutte, mais que le pouvoir a promus en défenseurs de notre identité.
      Leïla Marouane a choisi de montrer le combat de ces femmes à travers une mère et sa fille. Si la première semble résignée à son sort, un destin humiliant de servante, sa fille refusera la tyrannie du père, éduquée par la révolte sourde de sa génitrice. L’Algérie a engendré des monstres, couvé la haine. En choisissant d’être unijambiste en se privant de plus de la moitié de la société, elle n’a engendré que des malheureux.
      L’islamisme n’ est pas né ex-nihilo. Il a trouvé un lit accueillant, douillet, qui ne demandait qu’à être utilisé et « les chasseurs de lumière » ne s’en sont pas privés. Le code de la famille a plus de 20 ans. Autant d’années d’humiliation et de mépris. Pas seulement pour les femmes. Dénier à l’autre le droit d’exister c’est préparer son propre anéantissement. Leïla Maraouane a opté pour un style vif, alerte, nerveux.
      Des morsures salvatrices. Son écriture résonne comme une colère, une rébellion contre une injustice dont nous sommes tous responsables. Plus qu’un cri d’alarme, ce livre est une ode à la révolte. Pour que l’Algérie décide enfin de marcher sur ses deux pieds. Pour que les femmes gomment le mot soumission de leur vocabulaire. Pour que les hommes découvrent aussi qu’elles sont des femmes comme les autres.

Rémi Yacine

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