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Zighcult
18 décembre 2007

Constantine-Boussaâdia ou tam-tam local

Un signe de régression ou simple aspect folklorique ?

Le rythme endiablé du tambour et des karkabous en cuivre approche et devient de plus en plus assourdissant. Un groupe de chérubins se disputant un ballon, hors de proportion pour leur petite taille, s’arrêtent un moment de jouer et crient presque unanimement : « Boussaâdia, Boussaâdia … » Ils abandonnent le cuir rond, devenu du coup insignifiant à leurs yeux, et foncent dans la direction d’où vient le bruit du tam-tam.

Quelques minutes s’écoulent et un groupe de quatre personnes jaillit d’une ruelle pour longer la rue Didouche Mourad (ex- rue de France). Visages burinés et en sueur, vêtus de gandouras à la propreté douteuse et enturbannés à la manière terguie, ils marchent et s’arrêtent au gré de l’intérêt que leur accordent les passants ou de la manne pécuniaire, du sucre et de l’eau d’oranger provenant des balcons d’où fusent parfois, pour ne pas dire souvent, des youyous convaincus. A ces moments prodigues, le quatuor redouble d’énergie, accélère le rythme et fait mine d’entrer en transe par une sorte de mise en scène rodée à force d’avoir été répétée. L’un d’eux se met alors à exécuter des pirouettes à donner le tournis, tout en mettant à profusion de l’encens dans le petit braséro suspendu à un collier que l’habile danseur fait tournoyer afin d’en répandre la fumée. Ce sont ces gesticulations pseudo-mystiques qui finissent par avoir raison du semblant de réserve affiché par les commerçants, qui les introduisent volontiers dans leurs magasins, histoire de solliciter leur « baraka ». Dans ces moments de grâce, nos derwiches-tourneurs deviennent imperméables aux réflexions et autres remarques désobligeantes proférées par des passants que de telles pratiques « d’un autre âge » révulsent. Presque aussitôt, des débats spontanés naissent entre « déclinologues » qui y voient un des signes d’ignorance, de misère, bref de décadence de la société, dont le pays est en train d’engendrer quantitativement et ceux, plus « tolérants » qui pensent qu’il ne s’agit là que d’un aspect folklorique qu’une société cristallise à un moment donné de son développement historique. Et les plus cultuvés de citer l’exemple des troubadours et des tziganes qui traversent tout le continent européen sans que personne ne trouve matière à susciter une quelconque animosité. Quoi qu’il en soit, nos invétérés faiseurs de charivari, se souciant peu d’avoir eu ce mérite d’être à l’origine de discussions aussi intéressantes et passionnées, se sont déjà déplacés vers un autre quartier entraînant dans leur sillage une nuée d’enfants en mal de réjouissances et de loisirs.

Ahmed Boudraâ

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