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Zighcult
19 décembre 2007

Assia Djebar «Immortelle»

L’écrivaine algérienne a fait son entrée à l’Académie française
La Tribune 24/06/2006
Des monts du Chenoua, précisément à Cherchell où elle est née, à la Coupole où, à 69 ans, elle a fait son entrée jeudi dernier parmi les 40 «immortels» de la prestigieuse Académie française, le chemin d’Assia Djebar, Fatima Zohra Imalayane de son vrai nom, est tapissé de lauriers. Et ces lauriers, l’Algérienne les doit autant à son talent d’écrivaine qu’à sa probité intellectuelle et à son attachement à ce substrat culturel et identitaire dont elle ne s’est jamais coupée et dont elle a nourri sa muse même quand des océans l’en séparaient physiquement.

Femme, Algérienne, musulmane, amazighe, libre et combattante, pour qu’elle le reste et que toute les femmes le soient, Assia Djebar l’a toujours été, l’est toujours et le restera, plus que jamais assurément. Elle a publié son premier roman, la Soif, en 1955, à l’âge de 19 ans. Depuis, elle n’a cessé de défendre, par le geste et par le verbe, la femme et le droit à l’émancipation des musulmanes. Ecrivaine engagée, Assia Djebar a milité et combattu pour la liberté, la justice et la vérité. Elle a pris le parti de son Algérie contre le colonisateur. Mais quand son pays s’en est pris aux femmes qui l’ont toujours porté, l’écrivaine a mis à nu ses dérives et pris le parti de la femme contre le machisme et son avatar, l’intolérance. Ces positions et cette combativité qui composent la trame de son œuvre littéraire ont aussi constitué l’essentiel de l’introduction du discours de réception d’Assia Djebar à l’Académie.

Citant le grand poète Aimé Césaire qui avait écrit que les guerres en Afrique et en Asie ont «décivilisé» et «ensauvagé l’Europe», la nouvelle «Immortelle» expliquera que les colonisés y ont perdu bien plus : «L’Afrique du Nord, du temps de l’Empire français, comme le reste de l’Afrique a subi, un siècle et demi durant, dépossession de ses richesses naturelles, destruction de ses assises sociales et pour l’Algérie, exclusion dans l’enseignement de ses deux langues identitaires, le berbère séculaire et l’arabe.» «La France, sur plus d’un demi-siècle, a affronté le mouvement irréversible et mondial de la décolonisation des peuples. Il fut vécu, sur ma terre natale, en lourd passif de vies humaines écrasées, de sacrifices privés et publics, innombrables et douloureux, sur les deux versants de ce déchirement […]. Le colonialisme vécu au jour le jour par nos ancêtres, sur quatre générations au moins, a été une immense plaie !», ajoutera la nouvelle académicienne qui enfonce le clou en mettant dos à dos les politiciens de tous bords qui ont retourné le couteau dans cette plaie dont ils ont «rouvert récemment la mémoire, trop légèrement et par dérisoire calcul électoraliste».

Fatima Zohra Imalayane a ainsi porté le combat de toute une vie jusqu’à sous la Coupole, là où les mots prennent tout leur poids et le verbe son plein sens, là où elle a désormais sa place, bien méritée, n’en déplaise aux détracteurs et détractrices. L’écrivain Pierre-Jean Rémy l’a d’ailleurs bien signifié dans son discours de réponse en disant que «Assia, c’est "la consolation", et Djebar, "l’intransigeance". Quel beau choix !».   

par Hassan Gherab

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